Du 19 au 21 Septembre 2014 s’est tenu le GN « le Cycle des Eternels – Acte I » au château de Puyferrat à Saint-Astier en Dordogne. Ce GN avait la particularité de s’inscrire dans l’univers du JdR Agone (éditions Multisim), lui-même adapté des romans de Mathieu Gaborit publiés aux éditions Mnémos (Les Chroniques des Crépusculaires).
Cet article visera donc à s’interroger sur les éléments favorisant l’adaptation d’un univers papier en Grandeur Nature, et la transition d’un media à un autre.
Couverture Agone : Multisim Editions – Agone, JdR
Le contexte
À l’occasion du décès sans héritier du seigneur Elypsilène, une grande vente aux enchères de ses biens est organisée pour solder les dettes de son domaine. C’est l’occasion de voir se rassembler des délégations venues des quatre coins de l’Harmonde. Intrigues occultes et conflits diplomatiques étaient assez largement au rendez-vous, entremêlés d’enjeux et objectifs plus personnels pour nombre de personnages. Rassemblant 130 joueurs, le GN se présentait pour l’essentiel comme une approche classique comportant la plupart des éléments attendus d’un jeu grand format médiéval-fantastique. Sans être donc exempt des défauts propres à son registre et aux difficultés d’une première organisation accablée par de nombreux problèmes de désistements, ce GN s’est révélé néanmoins une réussite sur le plan de l’adaptation. Le point le plus important à cet égard étant la manière dont la nature artistique et baroque du monde d’Agone, l’Harmonde, transparaissait à bien des niveaux.
Crédit photo : Renaud Chaput
Rendre l’univers accessible
L’équipe organisatrice, comme les joueurs attendus, comportait aussi bien des experts du support d’origine que des complets néophytes. Le premier challenge est donc le plus évident : réussir aussi bien à permettre une compréhension claire de l’univers de jeu qu’à le matérialiser.
Le premier point a d’abord été rendu possible par un important travail de synthèse et de rédaction des documents de préparation au jeu. Le document monde, en particulier, reprenait l’essentiel des éléments à savoir pour chacun, tout en rendant compréhensible les divergences présentes avec le matériau d’origine. Il était complété par des aides de jeu spécifiques en fonction des groupes, des affiliations et de l’origine géographique des personnages. Ces documents étaient complétés par une biographie propre à chaque personnage, intégralement rédigée par les organisateurs.
Crédit photo : GN de Merde
L’aménagement du beau site de Puyferrat, les espaces et les nombreux objets de jeu, ainsi qu’un habillement musical et sonore, permettaient de poursuivre ce travail d’immersion dans le monde d’Agone. Les joueurs étaient bien évidemment incités à s’approprier cet univers, en particulier les volontaires pour jouer des créatures non-humaines, invités à se signaler à l’inscription et dont les efforts de costume ont été particulièrement remarqués. Enfin, des PNJs mais également certains PJs, développés autour de joueurs connaisseurs du monde, servaient de relais aux informations propres à la backstory et aux secrets du monde, permettant d’accompagner les autres personnages dans la découverte de cet univers foisonnant.
Crédit photo : Renaud Chaput
Rendre l’univers pertinent
Cependant, au-delà du travail propre à l’immersion dans l’univers du jeu, c’est sur le travail autour de sa spécificité que le GN paraissait vraiment s’épanouir. En effet, tout en étant basé sur un système de quêtes et d’objectifs des plus courants, le GN laissait les aspects artistiques empruntés au matériel d’origine fonctionner comme une subversion des éléments attendus sur un jeu médiéval-fantastique. Ici, on rencontrera un poète et sa muse, ou un dramaturge en proie à un conflit de personnalité. Plus loin, les inévitables objets de quête à rassembler seront tous des pièces d’œuvre d’art, racontant à chacun une histoire personnelle et familiale. Monter un spectacle de marionnettes devient un enjeu majeur, aussi bien sur le plan mystique qu’humain, avant que, soudainement, toutes les conversations doivent s’interrompre sous l’effet d’une boîte à musique.
Ces choix scénaristiques donnaient au jeu une identité propre et justifiaient parfois très joliment le choix de cet univers. Il reste à espérer que ces orientations seront poursuivies et accentuées dans la perspective d’un second opus.
Crédit photo : GN de Merde
Savoir s’en détacher
La fin du GN en revanche annonçait une rupture franche avec l’univers du JdR Agone, supprimant la mascarade fondant le caractère secret du monde occulte. Ce choix narratif, pertinent aussi bien dans le contexte du GN que dans le cadre plus large du cycle, montre la capacité de l’organisation à faire évoluer ses sources dans l’intérêt de son propre scénario. Les secrets du monde n’auraient pas eu de pertinence dans le cadre d’un GN à suite, il était donc nécessaire de les faire voler en éclat pour favoriser, avant tout, l’insertion et la progression des joueurs. Ce choix audacieux de ne pas se laisser contraindre par le statu quo constitue l’élément final qui montre bien de quelle manière cette adaptation a été longuement et bien pensée.
Crédit photo : GN de Merde
Conclusion
L’Acte I du Cycle des Eternels rappelle que, à l’heure où de nombreux GNs s’appuient sur des univers de JdR ou des franchises, un travail de scénarisation approfondi et d’appropriation pertinente sont indispensables à pouvoir en exploiter la substantifique moelle et leur donner tout leur intérêt. Il permet également de saluer le travail d’une équipe organisatrice très impliquée et dévouée, et qui, sur ce plan-là au moins, a tout à fait réussi l’objectif qu’elle s’était fixée.
Crédit photo : GN de Merde
Crédits :
Le cycle des Eternels – Acte I
Association organisatrice : Acta Es Fabula
Du 19 au 21 septembre 2014
Auteurs : David A. / Thomas B. / Julien C. / Emmanuel D. / Raphaël J. (Pink) / Gilles L. / Sébastien M. / Loïck M. / Yann M. / Florian M. / Clément Q. / Matthias R. / Guillaume S. / Erastide / Mathieu S. / Gérald V.
Un GN dans le Monde d’Agone. Avec l’aimable autorisation de :
– Mathieu Gaborit (www.souffre-jour.com)
– Les éditions Mnémos (www.mnemos.com)
Crédit photo : GN de Merde
Lire la critique de Graz sur ce jeu.
Muriel A.
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21 octobre 2014 at 22 h 37 min
Merci Mu, pour l’article. Il a pour grosse valeur ajoutée pour les orgas de nous rappeler 3 objectifs à ne pas louper en 2016 : développer l’artistique, garder l’univers accessible à tous et faire vivre pleinement la rupture scénaristique avec l’oeuvre originelle.