Le 31 mai 2014, j’ai joué mon premier GN Romanesque. Je ne m’attendais à rien en m’inscrivant, sinon à être surprise. Et j’ai pris une claque.
J’y suis allée avec une forte appréhension, pourtant, à première vue, Rêves d’Absinthe n’était pas très différent des autres GN que j’avais pu jouer. La fiche était certes plus longue que ce que j’avais l’habitude de lire jusqu’ici, j’avais été sélectionnée pour jouer (d’habitude c’est premier arrivé, premier servi) et il n’y avait presque aucune règle de simulation, mais à part ça tout était normal. Il y avait un livre du monde pour nous décrire l’univers dans lequel on allait évoluer, j’avais préparé un costume (même deux, un de jour et un de nuit) et un personnage.
Mon appréhension, à dire vrai, était due à des préjugés de ma part sur un genre que je ne connaissais pas. J’avais exactement l’attitude que je méprise chez ceux qui jugent ma propre pratique (qu’elle soit “med’bourriste” ou “nordique”), une attitude de connasse. Mais j’avais lu Muriel sur le forum www.murder-party.org et j’avais le sentiment que ce qu’elle produisait ne pouvait être mauvais. Un style d’écriture irréprochable, un sens de l’organisation et de la mise en scène transparaissaient dans ses prises de parole. J’étais séduite. Et puis, j’aime chanter, alors un jeu ambiance Cabaret dans les années folles…
Comment Rêves d’Absinthe m’a fait changer d’avis ?
Les personnages
Préjugé de merde n°1 : Le problème des personnages hauts en couleurs, c’est que du coup c’est soit des stéréotypes, soit des trucs tellement chiadés que tu comprends rien. Et puis les fiches longues c’est… long. Une fiche courte et des ateliers, t’obtiens le même résultat.
Crédit photo : Jérôme Verdier
Haha, pauvre sotte. Le personnage que j’ai reçu était non seulement limpide, mais le plaisir que j’ai eu à le lire et à me l’imaginer m’a liée à lui, enfin, à elle (spoil ! je jouais une meuf). Je ne serai jamais la dernière pour défendre les fiches courtes mais il faut se rendre à l’évidence : une fiche de personnage bien écrite c’est tellement agréable !
Mon personnage n’était ni stéréotypé, ni capillotracté. Elle était complexe, et très attachante. La fiche étant écrite à la première personne, j’avais l’impression qu’elle me parlait, qu’elle me racontait son histoire. J’avais l’impression qu’elle avait frappé un soir à ma porte, s’était assise sur mon canapé pour s’épancher, sans s’arrêter, et moi j’avais bu, bu ses paroles jusqu’au bout de la nuit.
Il y avait une tonne d’informations dans ma fiche de personnage. J’ai dû faire un petit carnet à côté pour ne pas perdre le fil. Des relations simples, et d’autres moins simples. Ce que j’ai trouvé fantastique dans Rêves d’Absinthe, c’est la justesse des sentiments qui étaient décrits dans ma fiche (et apparemment, dans celles des autres), et qui donc furent naturels pendant le jeu. Pas de surjeu. L’intérêt d’une longue backstory, c’est la compréhension de la psychologie d’un personnage : chaque événement en jeu, je pouvais l’interpréter au regard de ce que j’avais lu et décider d’une réaction.
Niveau de claque : fort. Néanmoins, je continue de penser que des ateliers pré-GN rendraient le jeu plus fluide.
Les secrets
Préjugé de merde n°2 : Le secret, ça sert à rien. T’as exactement le même genre d’émotion en jouant la transparence, ça permet des situations bien plus immersives et narrativistes. Les secrets desservent le jeu plus qu’ils ne le servent.
Crédit photo : Jérôme Verdier
La surprise en GN, ce truc souvent raté. Parce qu’on s’attend à être surpris, parce qu’on a décortiqué la backstory avant de venir pour prévoir tout ce qui va nous tomber sur la gueule (comment ça je suis la seule à faire ça ?), parce qu’on est usé des révélations de GN et des incohérences.
Ouais, mais non. En fait, sur le Rêve, les histoires des uns ne viennent pas parasiter les histoires des autres. On peut les partager avec ses amis si on veut, mais c’est surtout l’organisation qui prévoit les claques. Pas de fuites, pas de révélations ratées hors-jeu aux toilettes. Tout est écrit pour toi, et à un moment ça va tomber. Je te raconterai pas comment c’est tombé pour moi, mais c’était soudain.
Le sentiment qu’on éprouve lorsqu’on nous révèle quelque chose qu’on aurait jamais soupçonné, quand cette révélation remet en cause tout ce que en quoi notre personnage croyait, ce sentiment là est incroyablement fort. Pour moi, c’est le genre de truc qui me fait dire « Putain mais je kiffe tellement ce que le GN nous permet de faire » !
Ce qui est bien avec les secrets sur ce jeu, c’est qu’ils ne sont pas juste une révélation en mode « au fait », d’abord ça redéfinit le rapport au monde de ton personnage, mais EN PLUS, ça a des répercutions en jeu, genre le jeu est PRÉVU pour que ce nouveau rapport au monde soit questionné, que ça t’amène à faire des choix différents, que ça te fasse prendre des chemins de traverses, que ça créé du jeu quoi.
Ouais ça a l’air de rien là quand tu le lis. Mais crois-moi, ça demande du talent d’écriture. Un truc de malade.
Niveau de claque : maximal au niveau du sentiment de surprise. Tellement que je ferai pas de GN Romanesque avant un bon bout de temps. Je suis persuadée qu’il faut arriver avec un certain état de virginité par rapport au format pour être blousée comme je le fus. Alors le temps de recoudre mon hymen, un Mars et ça repart !
La mise en scène
Préjugés de merde n°3 : Les GN Romanesque ne pensent pas leur mise en scène. Ils pensent l’avant jeu, mais pas ce qui se passe pendant le jeu, genre à part les événements tu vois. En fait, ça manque de mise en scène.
Crédit photo : Jérôme Verdier
QUE NENNI. Et je dirai même plus, QUE NINI. Muriel a eu la brillante idée de concentrer la quasi totalité des PNJ sur l’ambiance. Je n’en dirai pas plus pour ne pas briser le Rêve, mais croyez-moi, le truc est pensé pour qu’on reste dans un état précis tout le week-end, et que cet état s’accentue, doucement mais sûrement, du matin jusqu’à tard dans la nuit.
Il y avait un Cabaret ! Un vrai cabaret ! Je sais, j’en étais, j’ai même préparé un numéro. Et bien j’ai une petite réponse à apporter à Joris qui avait commenté mon article sur la performance en GN : tu as raison mec. Enfin, tu as raison dans une certaine mesure. Une performance en jeu peut être ressentie comme une performance de personnage, mais tout ce qu’il y a autour (installation, trac, déception si on notre numéro n’est pas EXACTEMENT comme à la maison) ça reste pour ma vraie pomme de joueur. Et l’un comme l’autre sont une expérience géniale. J’ai participé à un spectacle incroyable, je me suis dépassée, j’ai vécu une chanson comme si ce n’était pas moi qui la chantait. Incroyable.
Niveau de claque : moyen. Au fond je savais que ça serait cool. C’est même pour ça que j’ai signé. J’étais juste de mauvaise foi.
Merci Muriel pour ce jeu. J’ai participé à la dernière session organisée sous l’égide de sa créatrice avant un bon bout de temps, et ce fut bon. J’espère qu’il sera réorganisé et rejoué.
Rêves d’Absinthe par Muriel A.
Session n°6 organisée au gîte de l’Abbaye à AUTHIE le 31 mai 2014
Collectif Hauts et Cour – Association RÔLE
Crédits photos : Jérôme Verdier – Tous droits réservés – La Cristallerie des Alchimages
Lila CLAIRENCE
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26 juin 2014 at 11 h 18 min
Excellent article, je ne dirais pas “je te l’avais dis” mais je le pense :).
J’espère qu’on aura l’occasion de jouer un “romanesque” ensemble.
26 juin 2014 at 11 h 24 min
A mon avis, faut pas qu’elle en fasse un autre. Elle va être déçue. 😉
26 juin 2014 at 13 h 52 min
niniiiiiiiii