Critique – Mad About The Boy – Partie 1

Publié le lundi 15 juillet 2013 dans Critiques de GN

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Durant la semaine du 24 au 30 juin 2013, deux sessions du jeu de rôle grandeur nature Mad About The Boy ont été organisées en Suède. Un jeu dont l’intégralité (à l’exception du boy) des personnages sont des femmes, mais pour lequel sont parfois organisées des sessions mixtes. Retour sur ma piètre tentative de transformation en femme et sur la conception de ce GN nordique exceptionnel.

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Cet article sera découpé en 3 parties. Cette première partie vous présentera le contexte du jeu, ma préparation et mes craintes qui pourraient être les vôtres si vous vous laissiez tenter par l’aventure d’un GN nordique.

Le contexte

Le 24 juin 2013, tous les individus possédant un chromosome Y sont décédés les uns après les autres en quelques minutes, de façon inexplicable. Le monde a donc sombré dans une période de chaos, de nombreux ponts entre les pays ont été coupés, mais 3 ans plus tard, une société nouvelle, peuplée exclusivement de femmes, s’est organisée.

Nous sommes dans un pays nordique. Le gouvernement a, en toute logique, placé les banques de sperme sous haute surveillance et cherche un moyen d’utiliser cette ressource au mieux. Un programme pilote est donc mis en place : des groupes de 3 femmes vont postuler auprès d’un comité pour tenter de recevoir l’autorisation de porter un enfant.

Le premier acte du jeu est composé de tests psychologiques, d’examens médicaux de tests d’aptitude à la survie dans un monde plus dur que le nôtre. Si vous me croisez dans un bar ou une convention, je dois absolument vous raconter mon premier examen gynécologique, qui restera un souvenir de GN impérissable pendant quelques années.

Le second acte, marqué par une coupure musicale et le visionnage d’une vidéo, démarre lors de l’arrivée d’un homme ! Un homme véritable, vivant, nu, faible et terrorisé, ayant visiblement survécu au désastre.

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Jouer une femme crédible

J’étais sceptique quant au fait de pouvoir camper une femme crédible. Mais aussi sceptique quant à la performance des autres joueurs. Je me disais que le manque de crédibilité de l’ensemble risquait de m’empêcher de croire au jeu et de pouvoir ressentir quoi que ce soit.

Mais bien décidé à jouer le jeu à fond, j’ai pris le temps d’aller m’acheter un ample pantalon-jupe, un haut noir couvrant les bras jusqu’aux coudes, un soutien-gorge de sport, très rebondi, que je pouvais rembourrer sans déformer ma poitrine. Trouver une paire de chaussures à talons taille 43 aura certainement été le plus complexe.

Mon erreur aura été d’aller me faire épiler les avant-bras en institut. Trop cher par rapport à la crème dépilatoire et ma peau réagit visiblement mal à la cire. Bienvenue dans un monde où s’occuper de soi va prendre beaucoup beaucoup plus de temps.

Dans l’ensemble et à ma grande surprise, les commerçants ne posent pas trop de questions quand un homme entre dans un magasin lambda de prêt-à-porter féminin pour essayer la moitié du catalogue devant une glace. Les clientes m’ont même accosté plusieurs fois pour avoir des avis. J’ai fini par répondre avec un air assuré que le orange se mariait très bien avec un pantalon crème et que oui, ce haut amincirait certainement, ce qui me fait bien rire quand on connaît mon goût pour la mode.

J’ai également passé du temps avec une amie à travailler ma démarche, la position de mes épaules, hanches, bras, ma façon de fumer, ma façon de poser ma voix.

Et je ne suis pas le seul à avoir fait des efforts. J’ai trouvé les autres hommes tous assez convaincants, à tel point que lorsqu’au matin, 7 poilus se partageaient des douches communes, en sous-vêtements féminins, l’un finissant de poser son mascara, l’autre se rasant encore la moustache, je crois pouvoir dire que j’étais encore “dans le jeu” sans trop de difficultés.

Alors oui, il m’est arrivé de mélanger les pronoms au début, glissant ça et là un “il” pour parler d’un personnage féminin, mais je mettrais ça aussi sur le compte de l’anglais, que je ne maîtrise pas et qui était la langue utilisée pour ce jeu.

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Jouer en Anglais

Je voudrais que le paragraphe ci-dessous rassure les anglophobes, les handicapés de l’anglais, ceux que l’idée de parler une langue étrangère fait frémir. Par ces quelques mots, je voudrais vous dire que vous pouvez y arriver. Je le sais car je suis une tache. Pour (ré)apprendre, venez jouer en anglais, vous verrez que ce sera plus efficace que de regarder game of thrones sans les sous titres.

Lorsque je pensais au jeu, où j’allais devoir interpréter une femme de 36 ans, musulmane pratiquante, docteur, d’origine iranienne, le principal facteur de stress restait l’anglais. J’arrive à me faire comprendre en anglais en général. Je ne suis pas timide et face à des nordiques habitués à un anglais international moins académique, maîtrisant parfaitement la langue de Shakespeare, on parvient toujours à faire passer son idée. Mais je savais aussi le fossé qui allait séparer mon expérience du jeu en français de cette expérience-là. Entendons-nous bien, je ne prétends pas être le meilleur joueur du monde, mais je suis à l’aise à l’oral, à l’aise quand je joue en français. J’arrive à penser au jeu, à être attentif aux autres, à l’histoire, et à m’adresser en même temps à une foule si besoin. En anglais, c’est une autre paire de manches. Comment trouver les bons mots ? Comment réagir vite quand ce sera nécessaire ? Comment faire rire ?

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Et finalement, vous vous en doutez, mes craintes ont disparu en quelques heures. On parvient à dire beaucoup de choses avec des phrases simples, et lorsque les mots ne suffisent pas, il reste le langage du corps. Je garde un souvenir ému d’une scène où je tentais de convaincre l’une de mes amies (dans le jeu) de ne pas quitter le programme et de ne pas renoncer à avoir un enfant. J’ai fini par avoir le sentiment que mon anglais était insuffisant. Difficile de trouver les mots qui font mouche. J’ai donc décidé de lui demander de fermer les yeux puis j’ai glissé un coussin sous sa robe. Nous nous sommes enlacés en tenant son ventre entre nos mains. Un moment de jeu très touchant dont le français m’aurait privé. Lorsque le langage suffit en toutes circonstances, les actes sont moins nécessaires.

Dans la seconde partie de cet article, nous arrêterons de parler de mon nombril pour attaquer la conception du jeu, les ateliers, et la question de la transparence en GN. Vous en saurez également plus sur le rôle d’Isaac, homme survivant qui débarque au milieu des femmes au début de l’acte 2.

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Baptiste est Gniste depuis maintenant 15 ans, et a commencé par jouer des scénarios maison avec des amis sans vraiment avoir idée de ce qui se faisait autour. C'est plus tard qu'il a pu découvrir ce qui se faisait un peu partout dans le monde et continuer sans cesse de découvrir de nouveaux horizons. Il aime écrire des scénarios et vous pourrez en découvrir certains sur le site www.murder-party.org (Silence on meurt, Plan social). Persuadé que le GN est un art à part entière, Il a écrit un mémoire sur les jeux Grandeur Nature et veut promouvoir les partenariats inter-associatifs pour que notre loisir trouve un jour la place qu'il mérite. Il a l'honneur d'avoir été le Président de la glorieuse FédéGN.

10 réactions à Critique – Mad About The Boy – Partie 1

  1. La classe 🙂

  2. Merci pour cette première partie de retour.
    Ton histoire de mots et de gestes me semble vraiment importante.
    Je suis sûr qu’il y a quelque chose à faire avec ça, même en français.

  3. Ca a l’air tout simplement extraordinaire! Merci pour ce retour! A quand une prochaine session?

  4. As a Nordic larpwright I’m thrilled to see an account of our tradition as seen from a French perspective. Can’t wait to read the next installment.

    Best,
    Sanne

  5. On attend la suite de ton compte-rendu avec impatience!

  6. Vivement la suite !
    Et compte sur moi pour t’interroger sur ton examen la prochaine fois qu’on se croisera IRL !

  7. Thank you for this wonderful insight in to your experience at the larp, Baptiste!

    About my the larp language being English: I found that very helpful actually. This was my very first larp, and I was really nervous. But with the game language being English, it helped me distance me from my usual self and made it much easier to get into character. The language change really marked the official transition into game play.

    Look forward to the next post.

  8. Petite question:

    Est ce que les organisateurs reprennent le comics ” Y: the last man” comme source directe d’inspiration pour leur gn (ce qui ne serait pas étonnant vu que le concept est tout a fait identique) http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/ComicBook/YTheLastMan?from=Main.YTheLastMan

    Je suis curieux de voir comment sera présentée la seconde partie 😉

  9. Effectivement. Bien vu. Y, the last man est la source d’inspiration principale.

    D’ailleurs ils en parlent sur leur site web :
    http://mad-about-the-boy-larp.blogspot.fr/p/the-larp.html

  10. Baptiste, je te trouve bien courageux d’avoir vécu cette expérience. Le GN permet donc parfois de se dépasser et j’imagine qu’en plus de t’être amusé, tu dois être fier de toi ?! Je te dis Bravo 🙂

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