Le jeu de rôle grandeur nature en manifestes

Publié le vendredi 11 mars 2011 dans Articles,Dossier

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À l’issue des précédentes GNiales et face aux résidus d’obscurantisme qui semblent encore trainer sur notre activité, il est apparu nécessaire, à un petit groupe d’individus, de travailler à l’enrichissement de la culture GNistique, encore à l’état d’embryon, par le biais d’études théoriques qui analyseraient l’activité ludique comme une matière à part entière avec toute la rigueur et le sérieux de la recherche en Sciences Humaines.

Prenant comme base le mémoire que j’ai écrit pour ma deuxième année de master à l’université de Strasbourg, le présent article, sans rentrer dans les détails d’un travail universitaire pointu – que ne permettrait pas le support blog –, aura pour objet de revenir sur l’histoire importante du manifeste GNistique, malheureusement méconnue, afin de poser les bases d’une recherche expérimentale en jeu de rôle grandeur nature, encore trop peu développée.

Puisque je m’adresse ici à des initiés, il est superflu que je rentre dans les détails d’une définition du jeu de rôle grandeur nature qui ne ferait qu’alourdir cet article, nous verrons cependant que si la définition du GN paraît évidente à mes lecteurs elle pourra ne plus l’être autant d’ici quelques lignes.

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Puisque cet exposé est un travail d’historienne de l’art, par déformation intellectuelle, je le commencerai donc par quelques dates et notamment cette date clef puisqu’elle marque l’avènement de « l’âge des manifestes » : 1999. En effet, loin d’être une activité éloignée des questions théoriques de recherche intellectuelle, le jeu de rôle grandeur nature connaît, depuis la fin des années 1990 un mouvement de reconnaissance du GN comme un art à part entière en Scandinavie. Ce programme de reconnaissance, commencé donc en 1999, passe par le manifeste, forme littéraire marquante de l’histoire de l’art qui a joué un rôle considérable dans le développement des avant-gardes, et qui nous intéresse tout particulièrement ici. Puisque nous nous proposons d’étudier la spécificité de ces manifeste de GNistes, nous étudierons le premier d’entre eux : le Vœu de Chasteté de Dogma99[1] rédigé par Lars Wingård et Eirik Fatland, en 1999. Manifeste inspiré du Dogme 95 de Lars Von Trier, c’est le pionnier des textes qui cherche à donner ses lettres de noblesse au jeu de rôle grandeur nature en affirmant haut et fort que le GN est un art et que ses dramaturges[2] en sont les artistes. Premier contestataire de Dogma99, nous nous intéresserons également au Manifeste de l’École de Turku[3], écrit par Mike Pohjola en 2000, manifeste des immersionists contre les dramatists [4] de Dogma99 (que ceux qui ignorent encore l’existence de ces termes se rassurent, nous reviendrons dessus un peu plus loin), puisque Turku rejette la toute puissance de l’histoire au détriment de l’immersion du joueur dans son personnage. Enfin, notre troisième et dernier exemple pour l’analyse de ces manifestes particulier sera le Manifeste de l’« École » de Post-Bjorneborgan[5], dont le ton est bien moins péremptoire que les deux manifestes précédents, mais qui est également le fruit d’une réaction aux théories précédentes écrites sur le GN.

Si les manifestes ont proliféré dans les pays nordiques, au point que Mike Pohjola a parlé de « l’âge des manifestes (1999-2002) » on peut toutefois noter que leur héritage actuel n’est pas aussi marqué qu’on aurait pu l’espérer aux vues des traces glorieuses dans lesquelles ils ont marché. Il n’en reste pas moins que ces trois textes sont représentatifs de la pensée théorique nordique lors de ce que l’on appellera les débuts de l’avant-garde GNistique, et ils demeurent, à bien des égards, des textes de référence dans l’expérimentation du jeu de rôle grandeur nature aujourd’hui.

S’ils restent des textes de référence, c’est avant tout parce que malgré leurs nombreux désaccords, la première de leur volonté, qui reste toujours d’actualité en 2011, est celle d’une diffusion massive qui pourra ainsi toucher de nouveaux publics :

babylarp

« […] la scène du GN expérimental a besoin de trouver de nouveaux joueurs, et elle a besoin de partager ses découvertes avec le reste de la communauté GNistique. Sans quoi tous deux se flétriront et mourront. […] »[6]

 

Comme toutes les activités, le jeu de rôle grandeur nature a besoin de se confronter à de nouveaux regards, et à de nouvelles réflexions pour évoluer, et pour se renouveler perpétuellement nous dit J. Tuomas Harviainen. En outre, c’est la méconnaissance autour du GN qu’il s’agit d’abord de combattre lorsque l’on rédige un manifeste, non seulement pour prouver, par ses revendications, que le discours mérite d’être entendu, mais aussi pour démontrer, que loin de rester une activité minoritaire, le jeu de rôle grandeur nature doit être testé et expérimenté. C’est en tout cas ce que déclare Dogma99, lorsque Lars Wingård et Eirik Fatland écrivent :

« Le GN doit devenir bien connu aux yeux du public comme un nouveau médium qui prend différentes formes, pas comme une curiosité. […] Le GN doit perdre son profil d’activité de la classe moyenne blanche et légèrement geek. Le recrutement doit viser tous les niveaux de la société et particulièrement les groupes où le recrutement s’est fait rare. » [7]

 

Ainsi « l’âge des manifestes » naît non seulement du besoin d’échanges avec les pairs, mais aussi de la volonté de sortir le GN de ses clichés. Or quoi de mieux que le manifeste pour exprimer le plus nettement et le plus bruyamment ses idées ?

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Les plus ronchons de mes lecteurs pourront arguer que le manifeste fait beaucoup de bruit pour rien, mais enfin, il faut bien admettre que Turku existe parce que Dogma99 a fait du bruit et a titillé Mike Pohjola, que l’école de Post-Bjorneborgan existe parce que Turku a fondé sa propre école. Il semble donc que le manifeste, loin de laisser indifférent appelle une réponse et génère un courant de réflexion qui ne serait probablement pas né sans lui.

Intéressons nous donc, brièvement car je sens que je vais vous perdre, aux contenus de ces manifestes.

Pour bien comprendre de quoi il retourne il me faut évoquer deux textes particulièrement important pour l’histoire du jeu de rôle grandeur nature nordique : The Threefold Model[8] de John Kim, complété ensuite par The Three Way Model, de Petter Bøckman en 2002. Ces deux textes ont établi une classification des différents styles de jeux, dont beaucoup aujourd’hui connaissent les grandes lignes : gamist, dramatist, simulationist et immersionist. Cette classification, qui peut paraître désuète aux scénaristes de GN français – puisqu’un consensus semble se dégager sur le fait qu’un bon jeu ne peut pas n’être que gamist, dramatist ou immersionist –, a pourtant une importance considérable dans nos manifestes puisqu’ils se revendiquent tous d’un style spécifique et s’élèvent tous en réaction contre le style gamist, qui consiste à privilégier le système de jeu, et qui suppose donc la victoire de certains joueurs sur d’autres qui seraient leurs concurrents. Pour éviter d’alourdir cet article nous vous renverrons à tous les textes mentionnés ci-dessus et nous contenterons de souligner les accords et désaccords de ces manifestes.

 

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Tous prennent donc pour cible le style de jeu gamist, qui est assimilé (et sans doute un peu hâtivement) à une forme conventionnelle du GN, forme que le grand public croit héritée du jeu vidéo et qui donne une mauvaise image de l’activité. Par son manifeste, Dogma99 veut éviter les écueils de ce style de jeu « archaïque » en se dégageant des conventions et en proposant des solutions extrêmement originales qui refusent la simulation quelle qu’elle soit. Lorsque Mike Pohjola écrit le manifeste de l’école de Turku, il tient pour acquis que la pratique gamist du GN représente le Mal Absolu et s’oppose violemment aux dramatists de Dogma99 dont l’intérêt pour l’histoire minimise le rôle du joueur, centre de la pratique immersionnist de Turku. (Précisons ici que Dogma99 est un manifeste d’organisateur écrit pour les organisateurs, et que Turku est un manifeste d’organisateur qui propose un règlement à ses joueurs) J. Tuomas Harviainen, qui joue ici la voix de la sagesse s’élève en réaction contre tous ces manifestes et propose sa recette, somme toute mollassonne (qui consiste à dire qu’on ne fait pas de bon GN uniquement dramatist ou uniquement immersionnist, mais qu’il faut marier les deux).

Le lecteur voudra bien m’excuser ce passage un peu rapide sur le contenu des manifestes (nous essayerons de leur consacrer plus de développement dans un prochain article – abonnez vous à la newsetter)  pour me concentrer sur leur forme, car il me semble que c’est précisément dans le choix de cette forme historique que se noue le véritable progrès des avant-gardes GNistiques. Car il est notable, en effet, que ce soit le manifeste qui ait été choisi par tous ces acteurs du milieu du GN scandinave, plutôt que tout autre forme de diffusion des idées. Lars Wingård et Eirik Fatland se sont directement inspirés du Dogme 95 de Lars Van Trier, allant jusqu’à lui emprunter sa structure et ses formulations. Il est encore plus intéressant de noter que choisissant de copier le manifeste d’une pratique reconnue comme le 7e Art qui nie sa qualité artistique, Dogma99, activité méconnue, se revendique, lui, comme pratique artistique et savante puisqu’elle se choisit une figure tutélaire à la pointe de l’avant-garde contemporaine ! Mike Pohjola, lui, ne s’inspire pas d’un manifeste artistique, mais bien du Manifeste du Parti Communiste, lorsqu’il exhorte les GNistes de Turku dans le monde (et non les prolétaires) à s’unir contre la déferlante gamist et dramatist. Le ton du texte, volontairement guerrier, provocateur et humoristique cherche à obtenir des réactions comme Mike Pohjola l’avoue lui-même :

« Bien sûr, il y a du travail à accomplir, mais la Révolution est en marche. Et tous les remerciements ne vont pas à l’École de Turku, mais à tous les manifestes et dogmes du jeu de rôle là dehors. Nous n’avons pas été seuls dans notre lutte. Il y a eu ceux qui se sont tenus derrière nous ou nos idées depuis le début, et ceux qui nous ont rejoint après d’âpres discussions. (Ces discussions animées que le style provocateur est justement là pour créer). »[9]

 

Même J. Tuomas Harviainen qui ne prétend pas détenir la vérité sur le GN, et qui ne propose rien de très violemment contraires aux conventions habituelles du jeu de rôle grandeur nature, ne peut s’empêcher, dans son manifeste, de déclarer en onzième point qu’« au moins un démon doit être inclus dans chaque jeu »[10], montrant par là qu’il ne dit pas non à un peu de provocation.

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Cette provocation, qui fait preuve d’un humour non négligeable, est aussi le moyen de créer des discussions, qu’elle soit liée aux réformes proposées par l’avant-garde en question ou simplement véhiculée par le ton du texte. Or si ces théoriciens nordiques du GN souhaitent naturellement atteindre la reconnaissance du GN comme activité artistique (ou au minimum, comme activité sérieuse) auprès du plus grand nombre, il semble que leurs textes soient avant tout destinés à leurs pairs, afin de leur faire entrevoir que le GN expérimental existe et doit être développé, et ne pourra l’être que si l’on se défait de ses œillères. Pour rester dans l’esprit de ceux dont je parle ici, il me semble qu’une célèbre phrase de maître Yoda conclura à merveille ce petit laïus : « Tu dois désapprendre tout ce que tu as appris »[11].  Ô toi, ami GNiste, qui marche dans l’ombre et qui refuse de voir le Salut à portée de ta main, obéis un peu à Maître Yoda nom d’une pipe !

 

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Car il faut bien souligner que « l’âge des manifestes » n’a malheureusement pas eu l’effet escompté. Les écueils que Dogma soulignait en 1999 ne sont pas systématiquement évités en 2011, et l’expérimentation GNistique est toujours une pratique marginale. On entend encore bien trop souvent la remarque : « Peuh, c’est pas du GN ! » ou on se fait encore doucement rire au nez lorsque l’on propose des GN qui sortent des cadres conventionnels de durée et de nombre de joueurs. Pourtant s’il est bien une chose que les manifestes GNistiques ont prouvé, c’est que le jeu de rôle grandeur nature, comme tout médium, est sujet à de multiples expérimentations. Or, si ces expérimentations s’éloignent nécessairement des cadres connus, il est somme toute un peu rapide de décréter que ce n’est plus du GN mais autre chose. Pourtant aujourd’hui il me semble crucial de souligner qu’une chose ne cesse pas d’être elle-même parce qu’elle sort des barrières qui ont été placées arbitrairement autour d’elle. Le land art n’a pas cessé d’être de l’art parce l’œuvre ne survivait plus que par des traces, le Théâtre Laboratoire de Gerzy Grotowski n’a pas cessé d’être du théâtre parce qu’il a nié toutes les conventions de celui-ci jusqu’à ne plus s’intéresser qu’au rapport acteur/spectateur, et enfin le GN ne cesse pas d’être du GN parce qu’un individu un peu loufoque a décidé qu’il allait bannir le concept de découverte progressive de la situation dans son jeu.

Ainsi, j’entreprends ici de secouer un peu les résignés, les inquisiteurs et les irréductionnistes, qui brandissent leurs conventions comme des leçons ancestrales inviolables. Si le ton provocateur des manifestes est le  moyen de faire voir un peu plus loin que le bout de son nez, bon sang, réagissez !

Quelques liens utiles :

Le dogme 99 en français sur People to be, places to go

Le manifeste de Turku en français sur People to be, places to go


[1] Lars Wingård et Eirik Fatland, Dogma 99 Vow of Chastity, 1999, Oslo, Norvège, consulté sur www.larp.eu le 12 avril 2010.

[2] Playwright : dramaturge, dans le texte original.

[3] Mike Pohjola, The Manifesto of the Turku School, 3rd edition, 2003, Turku, Finlande, consulté sur www.larp.eu le 12 avril 2010.

[4] Nous préservons la langue originale de ces termes puisqu’ils sont très largement répandus dans le vocabulaire courant en France.

[5] J. Tuomas Harviainen, Post-Bjorneborgan Manifesto revisited, 2000, Consulté sur www.larp.eu le 12 avril 2010.

[6] J. Tuomas Harviainen, op. cit. « […] the experimental larp scene does need to find new players, and it needs to share its findings with the rest of the larp community. Otherwise, both will eventually wither and die. Ands lets not forget that larping with the same few people every single time gets boring pretty fast. So new blood equals better larps for all […] »

[7] Lars Wingård, Eirik Fatland, op. cit. « LARP must become well-known in the eyes of the public as a new medium that take diverse forms, not as a curiosity. […] LARP must loose its profile as a young, slightly geeky, white middle-class activity. Recruitment should aim at all levels of society, and especially at groups from which recruitment has previously been scarce. » Nous soulignons.

[8] Premier texte de John Kim rédigé en octobre 1998 pour son site internet (http://www.darkshire.net/~jhkim/rpg/theory/threefold/faq_v1.html consulté le 5 mai 2010), et régulièrement retravaillé (la dernière version connue date de 2006 publiée sur la plateforme européenne de jeu de rôle grandeur nature : www.larp.eu ).

[9] Mike Pohjola, op. cit. « Sure there’s work to be done, but the Revolution is on its way. And not all the thanks go to the Turku School, but for all the role-playing manifestoes and dogmas out there. We haven’t been alone in our struggle. There have been those that stood behind us or our ideals from the very start, and those that joined us after heated discussions. (Just those heated discussions that the provocative style is there to create.) »

[10] J. Tuomas Harviainen, op. cit. « At least one deamon must be include in every game »

[11] Oui, chez moi c’est la VF qui prime.

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Lucie CHOUPAUT

Présidente de l'association eXperience, Lucie s'intéresse aux rapports entre GN et art. Ses goûts d'organisatrice et de joueuse la portent plus particulièrement vers des jeux expérimentaux d'ambiance contemporaine et réaliste.

73 réactions à Le jeu de rôle grandeur nature en manifestes

  1. Ca ne sera pas une surprise si je m’oppose fermement au quatrième point. 🙂 Une caractéristique du jeu pour moi est la différentiation entre l’organisateur qui a le pouvoir de création du contexte (ou de validation, c’est le même), et le joueur qui interprète son personnage dans le contexte qui lui est imposé (Ce qui élimine le théâtre d’impro et le jeep).
    Qu’on modifie ce principe pour jouer autrement, ça ne me pose pas de problème, mais ça change substantiellement tous les mécanismes de jeu.

  2. J’ai ajouté « même si ça peut être limité ». Cela fait justement référence au fait que le joueur n’agit pas obligatoirement sur la création du contexte fictif, mais qu’il agit toutefois sur son résultat, puisqu’il prend des décisions qui concernent son personnage et que celui-ci participe du contexte fictif. Ca ouvre la possibilité d’inclure le Jeepform, mais ça ne rend pas le modèle joueur/créateur obligatoire.

    Si tu préfères, ça donne :
    « Un Grandeur Nature est un jeu dont les participants interprètent des rôles et interagissent de façon créative et conventionnée dans un contexte de fiction. »

  3. @Pascal :
    Jeu : Je vais faire le pénible, mais ce point reste ambigu ^^. “Ludique” ne clarifie pas grand-chose :). Je trouve ça ludique (amusant, distrayant…) d’interprêter un rôle dans un GN où il n’y a rien à gagner, ni aucun challenge à surmonter. Par conséquent, je dirais que ce pillier est inutile, car très réducteur.
    Fiction : J’ai le sentiment que ce pillier est identique à celui de la “Création en continu”.

    @Frédou :
    Il y a toujours des organisateurs, sinon l’événement n’aurait pas lieu. Il y a toujours des auteurs, sinon on ne sait pas à quoi on joue. Mais le fait que ces orgas et ces auteurs fassent partie des joueurs ne change pas grand-chose en fait.
    Pourquoi un joueur ne pourrait-il pas jouer un personnage dans un contexte qu’il a créé ? Dans le cadre d’un GN “classique”, on appelle ça un PNJ. En quoi le fait de jouer un PNJ, ou de jouer avec un PNJ, n’est-ce pas du GN ?
    Pourquoi la validation ne pourrait-elle pas être collective, entre joueurs ? Idem pour l’imposition du cadre ?
    Je ne dis pas que le GN “classique” n’est pas une forme de GN valide (au contraire !). Je dis juste que l’absence de distinction orgas/joueurs ne change pas grand-chose. Sans commune mesure avec le fait de n’avoir aucune liberté d’action dans son interprétation par exemple (là on quitte clairement le GN pour rejoindre le théâtre).

  4. Le Dogme 99 le précise bien pourtant :
    « Pour que l’évènement soit un GN, il doit y avoir un accord sur le fait que tout ce qui se produit est un jeu et que c’est quelque chose de différent de la vraie vie. », mais il ne l’inclue pas nommément dans sa définition, ce qui me semble un tort, car c’est bien plus qu’un joli mot…

    Le jeu au sens de Roger Caillois :
    – Libre : l’activité doit être choisie pour conserver son caractère ludique
    – Séparée : circonscrite dans les limites d’espace et de temps
    – Incertaine : l’issue n’est pas connue à l’avance
    – Improductive : qui ne produit ni biens, ni richesses
    – Réglée : elle est soumise à des règles qui suspendent les lois ordinaires
    – Fictive : accompagnée d’une conscience fictive de la réalité seconde

    En réalité, quand on y regarde de près, le fait d’inclure cette notion de jeu dans les piliers définissant le GN permet de se séparer de certains d’entre eux :
    – Fiction : devient en effet inutile parce qu’il est inhérent au jeu. Même quand on veut simuler la réalité, on reconstruit une histoire différente, on ne fait pas un documentaire. On a grâce à cela un effet intéressant, qui est de distinguer chez les reconstitueurs ceux qui font du GN de ceux qui n’en font pas.
    – Règlementé : parce qu’un jeu à nécessairement des règles, même si celles-ci peuvent être très sommaires voire laxistes.

    Les piliers du GN deviennent donc :
    – Jeu : au sens ludique défini par Roger Caillois.
    – Rôle : en ce sens qu’il y a interprétation ou incarnation d’un ou plusieurs personnages.
    – Interactions : parce que ça se pratique à plusieurs personnes qui communiquent entre elles.
    – Création : parce que tous les participants agissent sur le contexte et le font évoluer.

    Ca donne :
    « Un Grandeur Nature est un jeu dont les participants interprètent des rôles et interagissent de façon créative ».

    C’est assez simple comme définition au final, mais je trouve que ça correspond à la réalité du GN tel que je le connais.

  5. @Pascal : l’interaction peut être entre rôles mais aussi avec l’environnement. et la définition peut laisser entendre qu’il faut être au moins deux pour faire du GN. et je ne suis pas d’accord. Parce je ne cesse pas de jouer à la seconde où je suis seul dans une pièce.

    cet article parle des différents types d’interaction : http://ptgptb.free.fr/index.php/l-interaction-l-element-cle-du-gn/

  6. Tu peux interagir avec ton environnement en effet, et ce n’est pas incompatible avec le GN, mais ça ne le définit pas, c’est comme danser ou utiliser une épée en latex.

    Pour que le pilier interaction soit inutile il faudrait que tu puisses construire un GN avec un seul participant qui n’interagirait qu’avec l’environnement. Il me semble que ça relèverait de l’activité d’un parc d’attraction.

    On peut l’admettre à la limite, puisque tout cela est malléable et subjectif… mais là pour le coup ça me semble très éloigné d’une acception commune du terme GN.

    Disneyland nous voilà ! 🙂

  7. @Hoog: Dans un GN “classique”, l’impossibilité pour un organisateur de “jouer” vient du principe de découverte progressive (un joueur ne sait, ne voit, n’agit que par son personnage). Dans ces jeux, il y a une distinction fondamentale entre l’organisateur (celui qui met en place le jeu, qui en connait tout) et le joueur (celui à qui le jeu est destiné, dont le plaisir est lié à la découverte par son perso). Le PNJ n’est que le cas particulier d’un assistant organisateur qui en sait sans doute moins que lui, mais trop, et qui le plus souvent se laisse au moins partiellement dirigé dans l’intérêt du jeu. Le jeu ne leur est pas destiné.
    Il y a une dizaine d’année, j’ai joué pendant 2 ans une campagne de GNs continus où les organisateurs étaient également joueurs, et ce n’était pas triste. 🙂

    Dans le cas de GNs au sens où vous l’élargissez, oui, le principe de découverte n’étant plus fondamental, l’orga peut devenir un joueur à part entière.

  8. @Frédou :
    Concernant ton exemple : ce n’est évidemment pas parce qu’il y a des mauvais jeux où les orgas sont joueurs que tous les jeux où les orgas sont joueurs sont mauvais.
    Par ailleurs, concernant la définition du GN, je comprends bien que tu considères la découverte progressive comme un élément fondamental. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi. Si c’est parce que c’est comme ça que se joue le GN “classique”, OK, on est juste dans les étiquettes et je n’insiste pas. Mais il y a peut-être une autre raison ?
    Je m’apesantis un peu sur ce point, car lorsque je joue un PNJ dans une scène d’un GN classique, et lorsque je joue un PJ, je joue de la même façon. Certes, en tant que PNJ, j’aurais peut-être moins de surprises, mais ça me semble totalement secondaire.

  9. @Hoog: Pourquoi le principe de découverte ? Parce qu’il donne au jeu un intérêt extrêmement caractéristique, qui n’existe plus sans lui. Si tu lisais les 800 pages de mon bouquin, tu aurais sans doute un plaisir de lecture. Si tu jouais ensuite un des personnages, tu aurais peut-être un plaisir d’interprétation. Mais jamais tu n’auras le plaisir que donne cette impression de vivre vraiment les événements, tout le frisson qu’il y a dans la nécessité d’agir dans l’instant, dans l’incertitude du devenir, avec une perception réduite au personnage. Tout GN “classique” a été conçu pour cela. Inutile de chercher à confondre l’assassin du baron, à comprendre le mal qui ronge ton vieil ami, à savoir si la belle t’aimait vraiment sincèrement… Dès lors que ce principe n’existe plus alors ces jeux là ne sont plus du tout pertinents, et d’autres deviennent beaucoup plus judicieux cherchant d’autres formes de mécanismes et d’intérêts (comme le Jeep). Le principe de découverte détermine un mécanisme de jeu et un objectif de jeu (au sens d’intérêt).

    Personnellement, c’est ce principe fondamental qui me fait aimer, jouer et écrire des GNs de formes très variées depuis 15 ans. Sans ce principe qui permet de vivre vraiment les événements, le jeu prend une toute autre nature.

  10. Mais Fredou, tu ne démontres pas que toute forme de pâtisserie doit comporter des pommes en expliquant qu’une tarte aux pommes sans pommes n’est pas bonne. Ce n’est pas parce que le Poète serait sans intérêt hors découverte progressive que c’est valable pour tous les autres GN du monde.
    La découverte progressive est une chose à laquelle tu tiens, c’est évident, et d’ailleurs je le partage avec toi, mais ça ne change rien au fait que d‘autres styles de jeux dignes de s’appeler GN existent et doivent exister.
    J’ai discuté il y a moins de deux semaines avec un gars qui trouve, après les avoir essayés, que les GN avec personnages pré-écrits sont décidemment sans intérêt par rapport aux GNs à l’ancienne avec feuille de perso et points d’expérience et récurrence en campagne. D’après lui, notre conception du GN nuit à la liberté de création du joueur et ressemble à une hérésie GNistique. Il bloque complètement sur cette idée de liberté de faire évoluer son perso à sa guise.
    Tu trouves ça difficile à digérer ? En quoi est-ce différent de ta fixation sur la découverte progressive ?

  11. @Frédou :
    Merci pour cette explication Frédou. Je vois ce que tu veux dire. C’est effectivement plaisant de découvrir quelque chose en jeu. De là à en faire un élément fondamental du GN, je suis un peu surpris. Après tout, même un PNJ dans un GN classique peut être surpris par la décision que prendra un PJ confronté au dilemme qui lui est présenté. Pourtant, ce PNJ connaît toutes les intrigues. Et il fait bien du GN, lui aussi.
    Par ailleurs, comme le dit Pascal, je veux bien croire que le Pouet soit moins sympa à jouer si on a lu les intrigues avant. Mais le Pouet n’a pas été écrit pour ça. De la même façon, le Pouet est sans doute moins intéressant si on le joue en essayant de “gagner”. Ça n’empêche pas que certains GN soient fait pour être joués sur le mode “gagner”. Ce n’en sont pas moins des GN (et pour le coup, souvent des GN classiques). Donc ce n’est pas parce que c’est mauvais pour le Pouet que ce n’est pas du GN.
    Au passage, je précise que, comme Pascal, j’aime beaucoup le GN classique, que je ne dénigre pas du tout.

  12. Tu déformes mon propos Pascal, car je me fiche du combat de nom, donc de la façon d’englober quoi que ce soit.
    Je pose simplement les principes d’une activité (qui se trouve être celle qui se pratique aujourd’hui sous ce nom) en ce qu’ils ont de caractéristiques et de fondamentaux sans quoi l’activité n’a plus vraiment le même propos, ce qui n’a rien d’une appréciation de “qualité” (on peut en faire du très bon comme du très mauvais).

    Ce que je tiens sur ce thread, rapport à l’article de Lucie, étant juste de dire, qu’on peut s’intéresser à elle en ce qui la rend justement “spécifique” (cf principe de découverte).

    Concernant ton bonhomme, le jeu en campagne, non pré-écrit, n’est vraiment qu’un cas particulier de contexte. Les principes déterminant les mécanismes du jeu restent en tout point les mêmes.

  13. Frédou, imagine un live ou les joueurs connaissent l’historique des autres personnage car time in ce sont tous des amis d’enfance.

    Imaginons les dans un lieu circonscrit tout à fait connu. (une ile déserte déjà explorée par exemple)

    Ils auraient un objectif clairement définis (ca peut aller d’un battle royale à l’invasion de zombie en passant par l’attente des secours qui arriveront à la fin du live)

    Je suis d’accord que des imprévus rajouteraient du piquant mais si on le joue comme ça sans surprise, ça reste pour moi du jeu de rôle grandeur nature et ça peut être diablement intéressant.

    Par contre, si on oblige les joueurs de suivre un script à la lettre, alors la ca sort réellement des principes déterminant gn vu qu’ils ne seraient plus que les acteurs d’une pièce.

    Peut être serait t’il intéressant au lieu de se prendre la tête sur ce qui est gn et ce qui ne l’est pas de faire une liste des possibilités de création qu’offre le gn et des stéréotypes qui appauvrissent l’originalité d’un live (comme d’invoquer systématiquement un démon à chaque scénar ;))
    Ce serait une chouette idée d’article.

  14. Je ne saisis pas bien en quoi je déforme tes propos… est-ce que tu veux dire que tu ne prétends pas que la découverte progressive doit obligatoirement être une composante du GN ? Parce que c’est vrai que je te prête un peu cette idée alors que tu ne le dis pas exactement en fait. 🙂

    La suite me permettra d’expliquer pourquoi.

    Tu parles de poser « les principes d’une activité en ce qu’ils ont de caractéristiques et de fondamentaux sans quoi l’activité n’a plus vraiment le même propos ». Tu fais bien référence à cette notion de découverte progressive n’est-ce pas ? C’est en cela que je dis que tu te fixes sur une notion qui n’a pas lieu d’être une composante essentielle du GN.

    Je prends un pied d’enfer en tant qu’orga, sans la moindre découverte progressive, et j’ai bien le sentiment de faire du GN pourtant. Tout ce que j’ai à découvrir c’est la façon dont mes joueurs vont réagir et me surprendre. Si pour toi ça entre dans le champ de la découverte progressive, alors on commencera à être d’accord.

    Tu vas pouvoir me répondre que ma surprise devant les actions des joueurs passe nécessairement par leur découverte progressive de l’histoire. Et je suis presque de cet avis… presque. Rien ne nous interdit de penser qu’il est possible de bâtir un GN où tous les participants fonctionneront sur le mode de jouissance d’un orga, se surprenant les uns les autres par leurs réactions à une situation connue et pas par la découverte d’un scénario.

  15. @Tilleul: Le fait qu’il n’y ait rien à découvrir dans un scénario car le joueur sait déjà par son personnage tout ce qu’il y a à savoir (il connait déjà les autres, les lieux…) n’est qu’un cas particulier de contexte. C’est toujours le principe de découverte appliqué à un contexte où il n’y a rien à découvrir. C’est totalement différent que de savoir des choses du scénario (des autres, des lieux, des événements passés, futurs…) que le personnage ne devrait pas connaître. Là, ça devient un changement de principe substantiel qui bouleverse le mécanisme de jeu.

  16. Et si les pj étaient prévenu de l’arrivée des secours à la fin du live sans que leur perso ne soient au courant ?

    Mais en fait, cela n’a pas d’importance car la découverte progressive existe toujours en roleplay compte tenu de l’imprévisibilité des échanges entre joueur. Il est donc difficile sauf dirigisme forcé ou rails capillotractés de garantir l’évolution de la situation initiale.

  17. @tilleul : un article sur les stéréotypes… pourquoi pas. Mais on va se faire taper dessus. Je connais des gens qui avaient un projet de charte interdisant un certains nombre de stéréotypes. ça peut faire du buzz mais qu’est ce qu’on va prendre…

  18. @Pascal: Tu déformes mon propos en ce que je ne défends pas un nom, disant le mot “GN” désigne ça et pas autre chose. Je suis nominaliste, je m’en fiche du mot “GN”.

    > Rien ne nous interdit de penser qu’il est possible de bâtir un GN où tous les participants fonctionneront sur le mode de jouissance d’un orga, se surprenant les uns les autres par leurs réactions à une situation connue et pas par la découverte d’un scénario.

    Bien-sûr. De bâtir un jeu, oui. Que tu appelles GN ou Toto, si tu veux. Mais qui n’a plus les mêmes principes, donc plus les mêmes mécanismes et intérêts que l’activité dont je parle, que jusqu’à maintenant, on appelait GN. Si je dois appeler ce dont je parle Turlututu, allons-y. 😉

    Donc disons, le Turlututu que l’on pratique est un jeu basé sur des principes dont le principe de découverte. Mon propos initial, était juste de dire : rapport à l’article et la conclusion maladroite de Lucie, il n’y a pas à dénigrer qui pratiquerait le Turlututu pour ce qu’il est Turlututu, par intérêt pour les principes du Turlututu et des mécanismes qui en résultent.
    Suis-je plus clair ? 🙂

  19. Justement, c’est ce qui sera drôle ^^

    Vous n’êtes pas obligé de faire un article de donneur de leçon expliquant que ces stéréotypes sont à proscrire, plutôt un article visant à les révéler.

    Ils font tellement partie du paysage rolistique qu’ils deviennent des réflexes pavlovien pour certains scénaristes. Une fois qu’on en prend conscience, on peut commencer à jouer avec.

  20. @tilleul : C’est noté dans la liste des articles potentiels.

  21. Oui c’est clair Fredou.
    Merci de m’avoir fait sourire. 🙂

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