Quelles traces pour le jeu de rôle grandeur nature ? (Partie 1)
À la suite d’une lecture sur les archives de la performance, il m’a semblé que la question des traces laissées par un jeu de rôle grandeur nature était assez peu évoquée. J’ai donc décidé d’ouvrir une réflexion sur le sujet, que je trouve intéressant. Ma recherche n’est pas du tout exhaustive. Je ne suis, par exemple, pas encore allée chercher du côté des GNistes nordiques, qui ont peut-être déjà traité le sujet, mais qui ont la fâcheuse tendance de donner des titres sibyllins à leurs articles.
Ainsi donc, je renonce à lire l’intégrale des comptes rendus du Knudepunkt là tout de suite, et je vous propose d’ouvrir une réflexion sur la documentation (ce que j’appelle les traces) dans les commentaires de ces articles.
Garder une trace de l’éphémère
Un Grandeur Nature est un événement éphémère. Même s’il est prévu pour être rejoué, il ne sera jamais deux fois le même parce que les joueurs, changeant d’une session à l’autre, s’approprieront leur personnage et l’histoire de manière différente.
Commune aux arts vivants, cette particularité a été souvent commentée par les théoriciens de la performance et du happening et notamment Allan Kaprow qui considère que l’événement sera toujours perdu et que rien ne pourra fidèlement le restituer. Pourtant la performance, comme le GN, et comme d’autres arts de l’instant comme la danse et la musique, possède a minima une partition, qui lui permet éventuellement d’être rejouée.
Un jeu de rôle grandeur nature, même s’il ne connaît qu’une seule et unique session, laisse derrière lui un scénario (une partition), et un ensemble de documents qui permettent de laisser une trace assez claire (si toutefois elle est correctement rédigée) de ce que l’organisateur cherche à obtenir. Pourtant au moment où les joueurs se saisissent de l’action, tout le monde perd sa capacité à la restituer de façon fidèle : non seulement parce que tous les joueurs n’assistent pas forcément aux mêmes événements, mais surtout parce qu’ils n’en auront pas tous la même perception.
Dès lors on peut se poser une question, que les historiens de la performance se sont déjà posée qui est : « Comment envisager d’élaborer un discours historique sur des pratiques dont la connaissance s’organise à partir de traces ? »1.
La nécessité d’une documentation
Aujourd’hui cette nécessité de garder une trace de chaque jeu Grandeur Nature pour l’histoire n’est pas forcément ressentie par beaucoup d’acteurs du milieu. Pourtant il y aurait des avantages à cela :
- Une transmission aux générations futures qui ne repartiront pas à partir de rien, mais qui au contraire possèderont un bagage culturel de ce qui a déjà été fait.
- Une réflexion sur la façon dont on parle du GN, ce qui pourrait aider au développement de sa notoriété.
- Une réflexion sur l’avenir que l’on souhaite au GN, puisque si nous n’en laissons pas de traces, il est probable qu’il évolue peu.
La différence entre GN et performance
Récemment est sorti au cinéma le film très confidentiel, Marina Abramovic, the artist is present, que j’ai pu voir avant qu’il ne soit plus à l’affiche. Ce très beau documentaire revient sur la dernière exposition au MoMa de l’artiste performeuse Marina Abramovic (aujourd’hui âgée de 66 ou 67 ans), qui a commencé à travailler dans les années 1960. Ce qui est intéressant pour notre sujet, c’est une déclaration d’Abramovic qui se réjouit d’avoir enfin, à son âge, une rétrospective au MoMa car, elle qui a toujours été une artiste marginale, peut enfin rentrer dans l’histoire de l’art.
Or il me semble que la marginalité est un trait commun à la performance (des années 1960 à 1980) et au GN aujourd’hui. Dire à ses proches que l’on fait du jeu de rôle grandeur nature amène plus de questions et d’incompréhension que leur dire qu’on fait du jeu vidéo ou même du jeu de rôle sur table (même si le mépris peut être le même).
Le jeu de rôle grandeur nature a ceci de particulier qu’il s’agit d’un événement à vivre accessible à un petit nombre d’initiés, exactement comme l’était l’art performatif à ses débuts.
Il me semble que le jeu de rôle grandeur nature est toujours marginal, du moins en France, et qu’arrivera un temps, peut-être pas si lointain, où, comme Marina Abramovic à l’automne de sa vie, il se dira qu’il est temps de rentrer dans le circuit et dans l’histoire pour devenir un objet d’études.
Pourtant (et c’est là que je voulais en venir) GN et performance ont une différence fondamentale qui se situe justement au niveau des traces (j’y viens enfin !). Car dès ses débuts, la performance a contrôlé les traces qu’elle laissait derrière elle. Dès le début, photos, textes, vidéos ont été contrôlés par les artistes pour n’avoir qu’une valeur de documents et ne pas s’ériger en objets artistiques. Or il ne semble pas que la plupart des organisateurs de GN contrôlent les traces laissées par leur jeu, mais ceci sera évidemment développé dans la seconde partie de cette réflexion, qui s’intéressera particulièrement à la place de la photographie de GN.
1 La performance, entre archives et pratiques contemporaines, sous la direction de Janig Bégoc, Nathalie Boulouch et Elvan Zabunyan, Presses Universitaires de Rennes, Archives de la Critique d’Art, Rennes, 2010.
Lucie CHOUPAUT
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28 janvier 2013 at 1 h 41 min
A mon sens les photos ne rendent pas forcement hommage émotionnelement à un événement vécu (quel qu’il soit: GN, spectacle, voyage, anniversaire…). Si il y en a la possibilité, en complément à
la photo, un montage video complémentaire de 1 à 5 minutes me semble être un vecteur plus fort et plus facilement accessible au spectateur.
28 janvier 2013 at 3 h 50 min
Pour moi, la “trace” d’un GN ne se retrouve pas dans la documentation. Ce serait comme saisir la trace d’une oeuvre picturale éphémère dans la liste des références des pigments utilisés.
La véritable trace est dans le ressenti, et le rendu de celui-ci.
La “nécessité d’une documentation” n’est pour moi pas établie :
– la transmission se fait avantageusement par l’expérience plus que par la transcription, ressentir plutôt que lire.
– la communication aidant à la notoriété : outre l’utilité discutable d’une meilleure notoriété, aucun compte-rendu ne parviendra à transmettre l’ensemble des émotions ressenties durant un jeu.
– une base pour l’avenir et l’évolution du jeu : c’est très redpndant avec le premier point, et tout aussi éroné puisque le GN évolue, principalement par le brassage, les expériences croisées.
Bref, faire du Gn plus qu’en parler…
28 janvier 2013 at 7 h 06 min
L’expérience et le ressenti apporte forcément des choses qu’aucune trace (écrite ou autre) ne peut apporter.
Mais la notoriété du GN se fait beaucoup grace à ces traces. Il n’y a qu’à voir l’évolution des scènes expérimentales, des GNiales et du GN en général depuis quelques années et comparer ça à la
croissance des 20 dernières années pour s’en rendre compte. La communication, l’échange et les comptes rendus de GN font du bien à la notoriété du GN. Après on peut ne pas aimer.
28 janvier 2013 at 8 h 15 min
Ce n’est pas incompatible. Les retours de GN (plus que les compte-rendus cliniques) peuvent faire briller les yeux et poussent à l’échange, de même que certaines annonces qui font rêver et qui
poussent sur certains jeux (par exemple Rouge Garance).
28 janvier 2013 at 8 h 33 min
Merci pour ce premier article Lucie!
A bâtons rompus, cela me fait penser à la dialectique de la tradition: orale VS écrite. Bien que les deux puissent coexister, l’apparition de la tradition écrite modifie sensiblement la structure
sociale dans laquelle elle vient prendre place. En clair: quand on commence à élaborer des traces dont la vocation est que la transmission d’un savoir puisse se faire indépendamment des
personnes, on modifie en profondeur l’organisation du groupe social.
En termes de traces, à propos du GN, je pense à ce qui est pour moi un précédent en France; le travail de Max Pauron de compilation de l’ensemble des règles de GN qu’il avait rassembler. Cela
date de 2005. GN Mag, la liste OrgaGN s’inscrivent aussi dans ce premier mouvement, qui passe de la préhistoire à l’histoire. Je suis sûr que les archéologues en trouveront d’autres.
Maintenant, je rejoins Moz sur un point: le GN, c’est ceux qui en parlent le plus qui en mangent le moins!(preuve au moins pour ma pomme: je viens de rédiger un petit article et ça fait bien un
an que je n’ai pas pu me faire un GN!!! 😀 ). Par contre, retranscrire des émotions: c’est faisable. A condition de ne pas chercher à singer des émotions vécues par d’autres. Et à ne pas prendre
des documents de travail pour des oeuvres d’art. Et donc à faire d’autres oeuvres d’art à partir des documents de travail (par exemple un film, un roman, une BD, des photos (d’art), un conte etc.
28 janvier 2013 at 9 h 27 min
Je n’ai pas souvenir d’être tombée sur un article sur le sujet, mais je l’ai vu évoqué au cours de plusieurs conversations chez les nordiques. Je crois même qu’il y avait une conférence
spécifique à Knutepunkt l’année dernière sur : comment améliorer la documentation sur nos jeux ?
Cette documentation me semble importante et dans les avantages j’y vois plus qu’une réflexion, c’est un bon outil pour pouvoir parler de GN à des gens qui n’ont qu’une idée très vague de ce que
c’est et à qui il pourrait être important de montrer, d’avoir des documents tangibles et bien foutus comme exemples. À des institutions culturelles, par
exemple.
28 janvier 2013 at 0 h 18 min
La question est effectivement importante, et histoire de faire un peu de prosélytisme à peu de frais, devient un sujet que la FédéGN prend au sérieux suite à de nombreuses discussions dans
différentes régions.
Il a été décidé lors de la dernière AG de mettre en place une base de données destinée justement à collecter ces traces, souvent perdues actuellement. L’idée est d’avoir un site internet
(peut-être un cousin de http://www.murder-party.org), sur lequel les organisateurs, (mais potentiellement aussi joueurs et PNJ) puissent déposer leurs documents : scénarii, fiches de personnages,
intentions de jeu, mais aussi debriefs de joueurs, débriefs orgas… L’objectif n’est pas de permettre à d’autres d’organiser le même jeu, mais au contraire de donner une visibilité sur ce qui a
déjà été fait, avec quels objectifs,… Les utilisations peuvent ensuite en être multiple : montrer ce qu’est le grandeur nature dans sa diversité, donner des pistes à des organisateurs, donner
des idées, partager des méthodes, des techniques au sens général, etc…
Ca rejoint un peu ce que tu as en tête ?
28 janvier 2013 at 2 h 12 min
@ Lapinou : c’est tout-à-fait ça. Mais ce qui m’intéresse ici ce n’est pas tant l’institutionnalisation d’une documentation sur le GN que l’évocation de la possibilité, pour chaque organisateur,
de contrôler cette documentation.
La conception d’un GN représente un gros boulot. Beaucoup d’organisateurs sont particulièrement fiers de leur création. Si rien ne remplace l’expérience du jeu celle-ci ne touche qu’une faible
proportion de gens, à l’inverse d’une documentation construite et diffusée grâce aux outils dont on dispose aujourd’hui. Or qui est mieux placé pour réfléchir cette documentation de l’avant, du
pendant et de l’après, que son créateur ? Je trouve, en tant qu’organisatrice de GN, que la question mérite d’être posée.
Les prochains articles parleront des différents types de traces (et effectivement Gyfu, je me pencherai sur la question du film.
29 janvier 2013 at 2 h 42 min
La piste de la réutilisation des “traces” dans des oeuvres artistique me semble être une voie interessante.
Si nos photos de GN constituent un morceau de documentation, tout comme les films qui deviennent de plus en plus importants (voir la mise à disposition numérique des scenarios, backs et autres,
de plus en plus facile), tous ces éléments ne permettent pas reveler l’expérience sensible du GN.
En revanche, leur utilisation comme oeuvre d’art ou la création artistique à partir de l’expérience GNistique sont des voies pour laisser une trace perenne de l’émotion crée lors du jeu.
Les “perfomeurs” savent maitriser ces aller – retours entre leurs performances et la mise en scène des traces de ces dernières car ce sont des artistes proches du théatre, du graphisme, …
Les organisateurs de GN ont souvent moins de talent dans les 9 arts et rarement des connections trés fines avec les autres arts (oui, je pense que le GN est un art).
30 janvier 2013 at 1 h 33 min
J’aime bien ce que dit Olivier_Espigoule. Je relève deux points qui me paraissent cruciaux :
1) La dimension artistique du GN :
Je ne veux pas lancer un débat interminable sur la définition de l’art, surtout que Lucie traîne par ici 😉 – Je ne retiens que la capacité du GN à faire naître des émotions à partir d’une
création, création qui a la particularité d’être mutante. J’évoque bien sûr la mutation de l’oeuvre qui passe d’une nature individuelle (ou quelque peu collégiale) à une nature collective, mais
pas seulement. Un jeu ne se révèle pleinement, malgré le cadre de développement et les orientations posés par son ou ses auteurs, qu’une fois que ses acteurs se l’approprient et le vivent. Il y a
une simultanéité, voire une fusion, entre la création et sa perception, qui rendent effectivement très compliqués l’enregistrement et la restitution des traces. Même si le parallèle établi avec
la performance paraît pertinent, le public d’une performance demeure passif, à mon sens. En effet, même lorsque la participation du public est possible ou requise, il n’est pas attendu du public
une quelconque forme de préparation, ni, à priori, que le public utilise son propre corps, sa propre mémoire, sa propre sensibilité, pour contribuer à la création. Dans le cadre d’une
performance, il me semble (je veux bien croire que des exceptions existent) que le rôle du public se limite, au mieux, à réagir. Ce qui peut se fimer, s’enregistrer, se restituer. Dans le cadre
du GN, comment enregistrer et restituer ce qui se passe à l’intérieur des joueurs ? Comment rendre compte des émotions, des questionnements, des prises de décisions ? A mon sens, la création
artistique sur des supports “traditionnels” à posteriori d’un jeu n’a aucun sens. De telles créations pourront restituer éventuellement des évènements et des émotions, sans toutefois permettre de
vivre le processus créatif ni le ressenti de l’instant, qui font partie intégrante de l’oeuvre elle-même. Personnellement, je ne vois pas de solution, à part jouer, justement. Mais je suis ouvert
à toute proposition, et même carrément curieux.
L’incapacité à priori des auteurs de GN à s’inscrire dans une démarche artistique (et tout du moins, à anticiper l’enregistrement des traces, voire à inclure le jeu dans un projet plus global
d’accessibilité aux personnes qui n’y participent pas).
Je rejoins complètement ce constat, qui pose davantage la question de la finalité et de l’utilité des traces que de la (ou l’in-)compétence des auteurs à les fabriquer. S’agissant de la
transmission de l’expérience et des savoir-faire, des démarches précédemment citées comme les GNiales, la diffusion de documentation ou l’organisation de rencontres, d’ateliers, etc… répondent
déjà à cette préoccupation. S’agissant de la reconnaissance, je crois qu’on se trompe de combat : le GN n’a rien à gagner à être reconnu. Il ne s’agit pas d’élitisme, comprenons-nous bien. A
l’image de la plupart des démarches créatives, je pense que le GN est un moyen d’expression, pas une fin en soi. Les personnes qui pourraient utiliser ce moyen d’expression y viendront par
elles-mêmes, ou pas, ou trouveront d’autres manières pour créer ou s’exprimer. A la rigueur, je pense qu’il y a même un risque à rendre le GN trop attractif, si c’est pour y attirer des hipsters
ou des “créa” en mal d’innovation / de notoriété… Seul demeure le point de la reconnaissance par les pouvoirs publics ou autres “facilitateurs” de GN, propriétaires de sites, financiers
éventuels, etc… Et là encore à mon avis, pour beaucoup pratiquer les “partenaires institutionnels” dans le cadre de mon travail, j’ai pu constater qu’ils étaient beaucoup plus réceptifs à des
arguments très concrets, très “terrain”, et pas du tout à la portée culturelle ou mémorielle des projets soumis à leur appréciation (à quelques exceptions près).
Cela dit, ça reste une question achtement intéressante, et j’attends la suite avec intérêt.
30 janvier 2013 at 9 h 17 min
A partir des réflexions de Lucie et de Bross,
Sur la dimension institutionnelle, il me semble en effet que ce n’est pas la qualité de l’œuvre qui prime, mais bien plutôt sa crédibilité et la reconnaissance qui en découle qui va compter. La
qualité, voire l’art arrive de surcroît. A titre indicatif et pour bien comprendre : ce ne sont pas les projets les plus artistiques, les plus innovants qui ont été financés pour Marseille
2013 Capitale Européenne de la Culture, mais d’abord les projets dont les dimensions et la solidité répondaient à la dimension européenne. Dans cette acception, les traces qui fondent la
crédibilité institutionnelle valent par leur exhaustivité, la manière dont elles sont organisées et la somme de travail qu’elles semblent représenter. En clair, si on demande l’appui
d’une institution, il faut parler le langage de l’institution, qui n’est pas celui de l’art. Pour revenir au GN et le comparer à d’autres formes d’arts, on pourra ainsi distinguer le directeur
administratif du directeur artistique de l’évènement. Les traces nécessaires de l’un ne sont pas celles de l’autre.
Sur la dimension artistique, il me semble que si le GN existe et se développe, c’est parce qu’il propose une expérience inédite en regard d’autres formes d’expériences, voire d’art. C’est à la
limite de l’ordre de la sélection naturelle : le jour où un petit malin trouve le moyen de restituer pleinement par un autre support ce qui se vit en GN, si ce support est plus facile
d’accès, le GN disparaitra. Dans une certaine mesure, l’arrivée des jeux multi-joueurs en ligne a contribué à la discussion que nous avons aujourd’hui, car elle a indirectement contraint le GN à
innover dans la gamme de expériences qu’il propose de vivre pour sortir d’une compétition en bonne partie perdue si celui-ci était par trop resté sur le domaine des bons vieux
« méd-bour’chronicles ».
Mais pour en revenir aux traces, à mon avis, la dimension artistique qui peut en résulter ne peut et donc ne doit pas chercher à singer le GN. La seule issue me semble reposer sur l’utilisation
du matériau de base (les dites traces) pour créer une autre œuvre. De même qu’un GN « Seigneur des Anneaux » se base sur une œuvre cinématographique sans prétendre être un film, on peut
imaginer qu’un film se baserait sur un GN sans prétendre en être un. La pratique est courante puisque dans l’exemple que je viens de prendre, certains auront un instant oublié –moi le premier à
l’instant où j’écrivais ces lignes- l’œuvre, écrite, de Tolkien qui a permis le film.
Dès lors, si ce n’est pas pour réorganiser le GN, ce ne sont pas les GNistes qui sont les mieux placés pour travailler sur les traces qu’ils en ont volontairement –ou pas- laissé. Qui un
romancier, qui un photographe, qui un cinéaste, qui un peintre… me semble mieux placé pour « rendre compte des émotions, des questionnements, des prises de décisions » dont il
peut être question dans cette œuvre.
31 janvier 2013 at 7 h 58 min
Merci Lucie pour cet article passionnant. Je rejoins Lapinou sur la nécessité pour la Fédé du moins de compiler les expériences de créations et de réflexions sur le GN. Pour ce qui est du
caractère artistique, il y en a un c’est indéniable, mais il suppose un public ; intéressante expérience à tenter que de faire jouer un Jeepform en direct à des joueurs pris dans le public ! Mais
je pense que le pricipal est de réussir à faire jouer les gens qui s’intéressent au GN. Dans l’idéal, trouver une forme de jeu entre le Jeep et le huis clos, sur 1H par exemple, permettrait
d’expliquer ce qu’est le GN par l’expérience.
Pour en revenir à la discussion et pour avoir tenté la captation vidéo d’un GN (http://vimeo.com/32190682), nous avons travaillé avec un semi-pro+ pour 1200€ montage compris. C’est un ancien
gniste et orga et il a rescénarisé tout le gn au montage. Au final, ça n’a plus grand chose à voir avec l’enchaînement des événements en jeu, mais le résultat fonctionne très bien (selon mes
attentes).
Et pour les institutions je confirme qu’elles sont plus réceptives que le quidam.
1 février 2013 at 3 h 41 min
1 février 2013 at 4 h 06 min
(Tiens, mon texte a disparu ci-dessus)
Bonjour Lucie,
Super cet article, et les réactions aussi d’ailleurs, pour les multiples questions qui sont posées ici et qui me semblent importante pour saisir le potentiel de notre
merveilleux loisir.
D’abord, il se fait que dans l’enquête menée en 2009 par Gil Bartholeyns et moi sur la culture et la communauté, une des questions était la suivante : « Imaginons
qu’un jour, tes proches aient à prouver que tu as fait du GN. Quelles sont les différentes preuves qu’ils pourraient trouver ? ». L’objectif était de saisir justement quelles traces du GN
persistent en dehors de l’activité. On doit encore mettre au net l’analyse de ces résultats (+500), mais en gros ce sont les photos, les costumes, les armes. L’objectif de la question était de
mettre le doigt sur une éventuelle culture matérielle autour du GN, mais aussi de percevoir l’existence « archéologique » que laisse le GN. Ton article est très motivant pour enfin
avancer sur le traitement de ces données.
Les traces telles que tu l’évoques pourraient être celles des organisateurs, conçues comme des traces volontaires, c’est-à-dire une forme pérenne de l’œuvre artistique créée,
qui laisserait possible une exploitation ultérieure : que ce soit pour reproduire le jeu (les huis-clos) ou pour exploiter ces traces dans un autre contexte médiatique (expo, film,
etc.) ; voire institutionnel (promotion du GN).
Comme tu l’évoques, la spécificité du GN est qu’il se réalise dans le moment de jeu lui-même où, finalement, ce qui est produit provient très majoritairement des participants
(costumes, actions, scènes, roleplay…). Et la subjectivité des participants sur ce qui s’est passé met souvent à mal l’intention narrative des organisateurs, tout en inscrivant dans les mémoires
autant d’interprétations du jeu qu’il y a eu de participants.
En somme, contrairement aux œuvres traditionnelles, la réception subjective de l’oeuvre est en même temps sa production objective. Ce phénomène peut se documenter mais ce
serait faire une seconde œuvre (un film, un récit) qui ne serait plus du GN. C’est bien le souci qui tu évoques au sujet de la performance lorsqu’elle cherche à éviter ce découplage.
Cette dimension qui veut que les participants sont aussi les créateurs, selon qu’ils interprètent subjectivement les éléments introduits par les organisateurs, est au cœur de
la matrice du GN et même son objectif tactique (c’est comme cela que les jeux sont pensés). Dès lors, le risque est de concentrer la question de l’artification sur les organisateurs, qui
deviendraient les artistes, ce qui opérerait un partage, hérité de « la politique de l’auteur », qui me semble fort arbitraire (alors qu’en apparence il va de soi) et surtout,
potentiellement déformant pour la manière dont le GN est conçu tant par ses acteurs que par les tiers. Je crois d’ailleurs que l’expérience « Tournée » montre ça assez bien, ce sont
finalement les participants qui sont au cœur du reportage et qui ont pris une place active dans ce que c’est devenu.
Donc en fait, sur les enjeux importants de la documentation que tu évoques (hormis la sauvegarde des pratiques), la question serait de savoir de quels acteurs du GN elles
pérennisent l’apport ? Sous l’influence des rêves d’artification qui animent de plus en plus la communauté, me semble-t-il.
5 février 2013 at 9 h 47 min
Bonjour Daniel,
merci pour ton commentaire. Ça m’intéresserait beaucoup d’avoir le résultat de cette enquête sur ce sujet précis. 🙂
Et effectivement l’interrogation que tu soulèves sur la légitimité de l’auteur d’un jeu à se placer comme seul artiste (et notamment par le biais de la manipulation des traces) me semble
particulièrement intéressante.
1 novembre 2015 at 20 h 35 min
Bonjour à tous,
Je reste persuadé, qu’un beau jour, nous devrons écrire ce qu’est un évènement aussi “kinesthésique” qu’un GN. Il n’y a qu’à regarder les jeux de rôles grandeur nature destinés à la réinsertions de chômeurs. Il vivent une fausse entreprise pour reprendre pieds dans la société.
@+
Max
http://lycnos.free.fr/m7.html
31 mai 2018 at 14 h 31 min
Bonjour,
Félicitation pour cette série d’article très intéressante. Ce sujet des traces m’intéresse aussi dans le cadre du jeu de rôle sur table, où je fais le même constat. Je tente, avec le blog “Mémoire de rôlistes”, de tracer ce patrimoine et j’y ai signalé cette série d’articles qui fait tout à fait écho à l’entreprise : https://memoirejdr.wordpress.com/2018/05/31/les-traces-en-grandeur-nature/
Cordialement,