Critique de GN : Stone Frigate

Publié le vendredi 27 mars 2015 dans Critiques de GN,Slide

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“Stone Frigate” était un GN de 24h (+ ateliers avant et après le jeu) pour 35 joueurs (et joueuses, l’univers étant non-genré), organisé cet hiver par Matt Stokes à proximité de Kielder (près de Newcastle en Angleterre). Il mettait en scène la vie d’un centre de réhabilitation pour marins de la Royal Navy souffrant de problèmes comportementaux en 1942. Plutôt que de décrire in extenso le GN, ce court compte-rendu se concentrera sur certains de ses aspects remarquables.

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1. Un GN audacieux

Ce GN était le premier GN “nordique” organisé en Angleterre. Il s’agissait de la première organisation de Matt Stokes, qui n’était entouré que d’une équipe très réduite. C’est d’autant plus remarquable que le thème du jeu était difficile et inhabituel, et que le travail logistique était remarquable. L’organisateur a ainsi par exemple construit seul une maison en bois pour le jeu !

Un autre aspect du jeu mérite le respect : la moitié environ des participants (dont une minorité venaient d’Irlande, de Norvège, d’Allemagne, d’Autriche et de France) faisaient du GN pour la première fois. Pourtant, durant le jeu, bien habile était celui qui parvenait à les repérer parmi les joueurs plus expérimentés.

2. Un GN authentique

“Stone Frigate” était un jeu ancré dans un lieu et une histoire. Il se déroulait au milieu de nulle part et les collines battues par le vent et la pluie (et même la grêle et la neige !) s’étendaient à perte de vue. Ceci créait un sentiment d’isolement, que devaient connaître également les patients en 1942 (le site du jeu se trouvait à deux pas du centre de l’époque).

Tous les participants portaient des uniformes de la marine (fournis par les organisateurs). Ils mangeaient de la nourriture d’époque, préparée sur place et “à l’ancienne”, et buvaient du thé et leur ration quotidienne de rhum. Ils étaient véhiculés dans un énorme camion militaire de la Seconde Guerre Mondiale, dans lequel ils chantaient des vieilles chansons de marins. Le tout était filmé et pris en photo avec des appareils des années 40. Le décorum militaire était également respecté, avec salut au drapeau, traitement séparé des officiers, etc.

Précisons que, si le souci de réalisme historique était assez poussé, l’approche du jeu était explicitement narrativiste, avec une instruction claire de “play to lose”.

3. Des méta-techniques simples et efficaces

Ce GN faisait appel à un certain nombre de méta-techniques. L’une d’elle était le monologue : avec un geste spécifique, un joueur pouvait dire à voix haute les pensées de son personnage, qui était entendues par les autres joueurs mais pas par leurs personnages. Ceci permettait de mettre en jeu des éléments qu’il aurait été difficile de communiquer autrement (des sentiments, mais aussi des plans ou des interrogations). La collaboration entre joueurs pour créer les scènes les plus dramatiquement intéressantes possibles s’en trouvait également facilitée.

Une autre méta-technique était employée pour simuler les conflits violents : Ars Ordo. Les deux personnages qui s’affrontent se fixent dans les yeux en adoptant une posture menaçante, et le premier qui détourne le regard a perdu. Si aucun des deux ne flanche, plusieurs niveaux d’escalade interviennent, donnant à chaque fois l’occasion de “perdre” : les joueurs ajoutent ainsi des cris, puis se tournent autour (tout en continuant à crier). Si à ce stade personne n’a abandonné, alors les autres joueurs peuvent venir se placer derrière le personnage qu’ils soutiennent, et celui avec le plus grand nombre de soutiens l’emporte. Cette technique ne comporte aucun contact physique. Pourtant, elle procure une réelle sensation de danger, car fixer quelqu’un à l’attitude menaçante dans les yeux demande de la concentration et déclenche des réflexes de stress. La technique est également relativement spectaculaire, puisqu’elle associe cris et mouvements. Elle est particulièrement efficace pour les GN où les affrontements se font sans armes et mêlent conflits physiques et questions de statut.

Par ailleurs, outre les désormais traditionnels black box et mots de sécurité, on pourra aussi citer l’utilisation de codes couleur pour déclencher certains comportements. Chaque participant portait un ou plusieurs rubans sur son costume, et chaque fiche de personnage comportait des réactions spécifiques à certaines couleurs. Les réactions pouvaient être différentes suivant les personnages. Ainsi, voir un ruban vert pouvait déclencher une crise d’angoisse chez un personnage, et un changement de personnalité chez un autre. Tout cela résultait en un système fluide, particulièrement adapté aux traumatismes et maladies mentales.

Conclusion

“Stone Frigate” était un GN touchant et authentique, source d’inspiration pour tout organisateur débutant et ambitieux. Accessoirement, il encourage à la réflexion sur la maladie mentale et sur les épisodes moins connus de l’histoire contemporaine (et de la Seconde Guerre Mondiale en particulier).

Site du GN : http://stonefrigate.wix.com/1942

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Hoog

J'adore le GN, et m'efforce de participer à son évolution en diffusant le plus largement possible les bonnes idées glanées ici ou là. En dehors de ça, ma vie est une joyeuse balade entre terrains de volley et mosh-pits !

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6 réactions à Critique de GN : Stone Frigate

  1. It’s not the first nordic larp in the UK. I believe that was level 5 in 2011, and there was a uk run of Pan in 2014. (not counting freeform; the ‘not to yield’ nordic style ars Magica freeform ran back in 2007)

  2. Intéressant et intriguant, merci pour le compte-rendu.

  3. J’adore la règle de l’Ars Ordo ! Le jeu faisait déjà très envie, mais cette critique confirme la bonne impression laissée par les previews.

  4. Une astuce de théâtre pour être imbattable à l’Ars Ordo : tu ne regarde pas l’autre dans les yeux, tu regardes la base du nez, exactement entre les deux yeux. Histoire de mettre un peu de win dans les GNs nordiques… 😀

  5. Très intéressant, merci. Je regrette d’autant plus d’avoir loupé le coche, j’aurais aimé tester ces techniques d’ars odo et de rubans colorés.

  6. L’Ars Ordo fait effectivement partie des choses facilement réutilisables pour d’autres GN. Le fait de se regarder dans les yeux procure le même genre de sensations que dans l’Ars Amandi. Autre parallèle : lorsqu’on le teste hors contexte en atelier, on se sent un peu ridicule et on ne ressent pas grand-chose. Mais en jeu, avec l’enjeu narratif et l’intensité de l’interprétation, ça prend une toute autre dimension.
    Dernière réflexion : ça se prête bien aux lieux où se rouler par-terre pourrait être dangereux.

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