Critique de GN – Just a Little Lovin’ (2ème partie)

Publié le mardi 1 octobre 2013 dans Critiques de GN,Slide

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Vous trouverez dans le premier compte rendu un descriptif plus approfondi du jeu.

Expérimenter des émotions et construire une histoire

Le jeu Just a Little Lovin’ est construit autour de trois fêtes, séparées par des ellipses. Chaque fête a plus ou moins le même planning, les mêmes invités, à chaque fois un an plus tard. Une part intéressante du jeu consiste à voir comment la même fête peut être si différente alors que tous les éléments de départ semblent si similaires. Il y a bien sûr quelques différences entre les actes, parce que certains personnages sont morts au cours de l’année et d’autres sont touchés par le virus. Cependant, ces différences ne suffisent pas à expliquer pourquoi les trois fêtes se déroulent aussi différemment pendant le jeu. L’idée brillante des concepteurs a été d’associer à chaque acte un thème principal. Ainsi les joueurs doivent ressentir du Désir pendant le premier acte, la Peur de la mort l’année suivante, et doivent enfin se concentrer sur l’Amitié pendant le dernier acte.

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L’aspect récurrent de la fête, à l’aide de ces méta-instructions, est une bonne façon d’expérimenter des émotions très différentes, avec un contraste très fort entre les trois actes. Ces thèmes font sens car chaque personnage peut vivre une histoire dans laquelle il pourra expérimenter successivement ces différentes émotions. Just a Little Lovin’ est un jeu narrativiste, où les joueurs sont encouragés par les organisateurs à créer leur propre histoire. Les trois différents thèmes sont de bons guides pour aider les joueurs à le faire, mais les concepteurs ont également pensé à d’autres outils.

Il y a plusieurs ateliers avant le jeu et entre les actes pour aider les joueurs à penser à l’évolution de leur personnage et à la façon dont ils vont pouvoir vivre une histoire intéressante. Une autre part de la préparation des joueurs consiste à réfléchir à ce qu’ils veulent expérimenter lors du prochain acte, et à demander aux autres joueurs de les aider à le faire. Par exemple, lors du troisième acte, mon personnage venait de terminer une cure de désintoxication, et j’ai demandé aux autres joueurs de lui proposer de la drogue, parce que je voulais ressentir la tentation et voir où cela pouvait mener l’histoire de mon personnage.

À l’inverse de GN où les joueurs doivent uniquement réagir à des événements et où l’histoire de chacun est pensée avant le jeu par les concepteurs, dans Just a Little Lovin’, les joueurs doivent être réellement actifs dans la construction de leur propre histoire. Heureusement, ils ont des outils pour le faire. Ceux que j’ai décrits précédemment bien sûr, mais également la méta-technique de la Blackbox. La blackbox est un espace où les joueurs peuvent jouer une scène du passé des personnages, un futur possible, parfois une scène abstraite, un rêve ou quoi que ce soit que les joueurs peuvent imaginer. La blackbox est un outil très utile pour construire une histoire quand les joueurs pensent qu’ils ne peuvent pas jouer toutes les scènes qu’ils voudraient pendant le temps du jeu. Les possibilités d’une blackbox sont vastes, et je pense qu’il faut utiliser plusieurs fois cet outil avant d’être capable d’utiliser pleinement son potentiel. Heureusement, pendant Just a Little Lovin’, des joueurs avec davantage d’expérience de cet outil pouvaient initier des scènes pour les autres, et les aider à construire des scènes intéressantes. Le seul léger inconvénient est que sur cette session, il n’y avait que deux blackbox, dont l’une très éloignée du reste du jeu, et ce n’était clairement pas assez pour 70 personnes.

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La vie d’une communauté

Si chaque personnage vit sa propre histoire, le GN lui, raconte l’histoire d’une communauté dans laquelle une épidémie se propage. Au début du jeu, le mode de vie de ces gens est encore débridé et l’épidémie se propage essentiellement par les relations sexuelles. Les concepteurs devaient donc trouver une technique pour simuler les scènes de sexe et leur importance dans ce jeu.

Ils ont choisi une règle de simulation pour jouer une scène de sexe à l’aide d’un objet phallique (souvent un gode en bois peint en rose, mais pas seulement). L’objet représente l’initiative sexuelle et la pénétration sous une forme ou une autre. Les joueurs peuvent utiliser cet objet de beaucoup de manières pour simuler une scène de sexe, et la scène se termine par des monologues où les participants révèlent à voix haute les pensées intérieures de leur personnage (plus d’informations en anglais sur cette règle de simulation : http://nordiclarp.org/wiki/Phallus).

Je dois avouer que je n’étais vraiment pas convaincu quand j’ai entendu parler de cette technique la première fois. Même après l’atelier avant le GN pendant lequel nous avons essayé de jouer ce genre de scènes, j’avais peur qu’elles soient ridicules et qu’elles me fassent complètement sortir du jeu. J’avais tort. Utiliser des supports matériels permet aux joueurs de jouer des scènes qui ressemblent à des vraies et de simuler beaucoup de manières différentes d’avoir des relations sexuelles. Dans ce genre de communauté, avec beaucoup de sexe, c’est une bonne façon de le faire facilement pour les joueurs et d’être sûr que les autres savent précisément ce qui est en train de se passer quand ils voient une scène de sexe derrière une porte pendant la fête. Les joueurs doivent également adapter leurs relations sexuelles selon leur partenaire et le contexte, afin que ces scènes puissent être vraiment fortes pour leur propre histoire.

La notion de communauté n’est pas juste un mot dans Just a Little Lovin’. Chaque personnage appartient à la fois à un groupe central (d’environ 3 à 5 personnes) et à un cercle social (d’environ 8 à 10 personnes). Entre chaque acte, les joueurs sont encouragés à réfléchir à leur évolution et à changer éventuellement de groupe central ou de cercle social. C’est une manière de construire beaucoup de ponts et d’interactions entre tous les personnages. Dans beaucoup de GN, je n’aime pas vraiment ces ponts qui sont souvent artificiels. Dans ce cas, il s’agit bien sûr d’une façon de construire une communauté globale, mais c’est avant tout un moyen brillant de composer avec la mort.

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En effet, pendant le GN, certains personnages vont mourir du SIDA. Construire un nouveau personnage au milieu du jeu n’est certainement pas une expérience facile, et les gens qui l’ont vécu pourront sans doute en parler mieux que moi. Seuls quelques personnages vont être contaminés et vont mourir, autrement le jeu ne serait pas gérable. Les concepteurs ont fait un très bon choix pour gérer la maladie et la mort. À la fin de chaque acte, il y a une méta-scène appelée loterie de la mort, qui est probablement la scène la plus intense du jeu pour tout le monde. Le risque d’être contaminé existe pour tous les personnages, et le hasard de cette scène la rend particulièrement pesante. Chaque personnage peut être appelé bien sûr, mais surtout, à cause de tous les liens entre les personnages, tout le monde connaît quelqu’un qui va être appelé. Et c’est pourquoi cette scène est si forte, et pourquoi tout le monde se sent appartenir à cette communauté.

La communauté est également renforcée pendant le GN, à cause de l’aspect récurrent de la fête et des épreuves similaires que les personnages peuvent partager. Ce sentiment d’appartenant est vraiment plus fort à la fin du jeu, et l’Amitié est un thème pertinent pour la dernière année.

Jouer Just a Little Lovin’ était un vrai plaisir et je pense que ce jeu est un bon exemple de GN transparent qui parvient malgré tout à conserver beaucoup d’inconnues dans son déroulement grâce à ses mécaniques de jeu intelligentes. Chaque session du GN permet de vivre de nouvelles histoires. Chaque session du GN suscite des émotions, quoi qu’il arrive.

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GNiste depuis le début des années 2000, cofondateur de l'association eXpérience, Vincent est présent sur Electro-GN depuis son lancement en 2011. Après une trentaine d'articles, il se consacre désormais davantage à la gestion quotidienne du site et à la planification des nouveaux articles. Convaincu qu'il y a encore énormément à découvrir sur le GN et ce qu'il permet, il espère que de nombreux GNistes continueront d'écrire et de partager leurs réflexions sur Electro-GN ou ailleurs.

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