Il y a quelques mois, l’association Mondes Parallèles annonçait l’Ultime jeu de rôle Grandeur Nature années 20. Avec une équipe principale de 4 organisateurs, leur objectif annoncé était d’organiser un GN « L’appel de Cthulhu » pour 103 joueurs visant l’horreur et le fantastique.
La première session a eu lieu le week-end du 15 septembre 2012. La deuxième suivra, deux mois plus tard (si vous avez suivi il s’agit du week-end prochain, nous leur souhaitons bon courage dans cette dernière ligne droite). La communication concernant le jeu est simple, mais fonctionne bien, puisque les deux sessions se remplissent rapidement, malgré un prix assez élevé. Les joueurs reçoivent à l’avance un carnet parfaitement maquetté et résumant l’essentiel de ce qu’un habitant d’Arkham doit connaître. Les différents quartiers sont présentés ainsi que les notables et les principaux commerçants. Oui, car le jeu a pour ambition de confronter une vraie ville à l’horreur et au fantastique. Et pour organiser une vraie ville, les joueurs incarneront toutes sortes d’habitants, du maire à l’épicière. Exit donc, les habituels archétypes d’investigateur de l’appel de Cthulhu, le jeu de rôle. Il y en aura, mais ils ne représenteront pas la majorité des personnages.
Dans l’ensemble, j’ai passé un excellent GN. J’ai eu la chance de faire partie de la police de la ville. Nous avons pris sur nous d’organiser une vie de commissariat. Nous prenions les plaintes, faisions des rondes, mettions des contraventions, etc. Un jeu quasiment autonome, riche et bien réglé dont nous avions discuté en amont entre joueurs. Je pense d’ailleurs que la gestion de cette petite institution qu’était le commissariat fera l’objet d’un autre article. Après cette première session, les retours positifs ne manquent pas, et je vous conseille l’article publié sur GN&Jeux : http://www.gnetjeux.fr/?p=3552. Toutefois, je pense que cette première session a un peu essuyé les plâtres. J’imagine qu’on ne fait pas l’ultime GN années 20 du premier coup et que la seconde session connaîtra de nombreuses améliorations.
Les organisateurs avaient prévu sur ce jeu beaucoup d’objets et d’éléments importants pour le scénario, ainsi qu’une gestion ambitieuse des événementiels. D’ordinaire, Mondes Parallèles nous avait habitué à l’utilisation de papiers, collés sur la majorité des objets en jeu, et expliquant comment les utiliser. Un système que j’avais toujours trouvé formidable. Il suffisait à l’archéologue de se pencher sur la momie pour lire l’inscription, si sa compétence le permettait. Sans doute par manque de temps, ce jeu faisait exception à la règle, et cela s’en est malheureusement ressenti sur la fluidité de l’ensemble. Les joueurs se sont régulièrement retrouvés à solliciter les organisateurs débordés. Ces derniers devaient donc courir entre le PC orga, les PNJs en attente d’instructions et leurs joueurs. La recette magique pour obtenir un organisateur épuisé. Je sais que la réflexion est en cours à l’heure où j’écris ces lignes pour simplifier l’accès des joueurs aux différentes informations dont ils auraient besoin, pour que les médecins soient plus autonomes, qu’aucun PNJ ne soit nécessaire à la consultation d’un simple livre de bibliothèque ou à l’utilisation des règles de TOC, à mon avis à réviser.
Surprise pour un GN Mondes Parallèles, habituellement abonné à des personnages courts, les fiches de personnages font plus de quinze pages. L’ambition est donc annoncée de détailler précisément la vie des habitants d’Arkham, avec une scénarisation individuelle conséquente. Un pari risqué lorsque l’on sait qu’il n’y a que quatre organisateurs ayant travaillé un an et demi seulement, et ce malgré l’annonce d’une méthodologie carrée. Je crois que la majorité des joueurs a reçu sa fiche relue et corrigée à temps, mais on regrettera vraiment que certains backgrounds aient été livrés si tard et encore en chantier, on sent que le temps a manqué pour tout terminer avant la date du jeu. Il s’agit là du point critique qui fera de la seconde édition un succès ou non. La réparation des bugs et une relecture minutieuse de l’ensemble sont nécessaires, mais heureusement déjà en cours.
En ce qui concerne l’ambition de faire d’Arkham une ville crédible, plusieurs lieux ont été parfaitement exploités par des groupes de joueurs qui les ont animés tout au long du jeu. Le site est absolument génial. Et si on découvre des endroits particulièrement bien exploités (le cirque itinérant, le bureau d’un médecin, le commissariat, … ), ils sont trop rares, et on regrette que les autres lieux ne le soient pas autant. Mais je crois qu’il s’agit là de l’élément le plus simple à ajuster d’ici la seconde session. En délimitant les espaces de jeu et en permettant aux joueurs de leur donner vie, je gage que la deuxième session pourra avoir lieu dans une ville incroyable. L’important étant d’éviter la concentration des joueurs sur l’université et la place centrale, créant un jeu statique et cantonnant les citoyens, ayant pourtant un métier, à des déambulations GNistiques classiques, quand ils pourraient tenir une échoppe, un bar ou prendre rendez-vous chez le coiffeur.
Le travail fourni sur ce jeu par les organisateurs est déjà colossal, et même si cette critique s’attarde sur des aspects négatifs, je crois que les organisateurs ont très bien pris conscience que les points cités étaient à améliorer. Je pense que les ajustements nécessaires à la bonne marche du jeu sont totalement identifiés par les organisateurs. La plupart ont pour origine un manque de temps dans un projet colossal, surtout à si peu. Rien d’insurmontable donc. Avec quelques retouches, avec des orgas et PNJs aussi motivés et sympathiques et l’équipe cuisine de choc « Aux 3 délices », je suis certain que la deuxième session fera encore plus d’heureux. Et je serai d’ailleurs ravi de voir une critique de ce jeu basée sur une réédition débarrassée de ces menus défauts.
J’ai en revanche un sentiment curieux concernant le traitement de l’horreur sur le jeu. Encore une fois, je vis sur mes souvenirs de GNs Mondes Parallèles passés où l’horreur figurait en tête du cahier des charges et où les choix étaient très différents. La ville d’Arkham, sur cette première session, s’est énormément intéressée aux divers phénomènes inexpliqués en ville (ce qu’elle aurait sans doute moins fait si elle avait été chez le coiffeur). En tant qu’officiers de police, nous avons donc été régulièrement sollicités par des Mme tout-le-monde transformées en investigatrices de fortune depuis la disparition de leur caniche, le matin, et que nous hésitions à enfermer une bonne fois pour toutes à l’écoute de leurs théories fumeuses.
Le phénomène est classique en GN, surtout lorsque le fantastique est présent. Les intrigues sont régulièrement bavardes et alambiquées, les personnages tous reliés à des événements étranges. Mais je crois que l’horreur supporte mal de se plier à ces conventions. On la voudrait surprenante et discrète, jusqu’au moment où elle vous tombe dessus. L’horreur débarque sans prévenir, en s’étant tout juste annoncée par quelques mises en bouche, sans quoi elle perd de sa superbe. Joueur de la seconde session, toi qui as perdu ton caniche, vas donc le chercher à la fourrière et prendre rendez-vous chez le coiffeur avant d’hurler qu’un poulpe l’a mangé. Sachez garder un climat de magie diffuse le plus longtemps possible. C’est ce crescendo qui m’a le plus manqué durant ce GN.
Photos : Renaud Chaput
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13 novembre 2012 at 2 h 25 min
Article interessant à quelques jours de la seconde session. Je me suis toujours demandé comment créer en Gn la difference entre Mme Tout le monde qui enquête et un flic qui enquête ? les
compétences ? les infos dans le back sur les enquêtes en cours ? la crédibilité du métier ? ou le roleplay de madame tout le monde qui n’enquête pas…
14 novembre 2012 at 2 h 30 min
Comment que j’ai l’air terrorisé sur cette photo, la ouache !
Sinon, pour répondre à Sly, je dirais la procédure.
19 novembre 2012 at 0 h 37 min
J’ai joué…pardon fait la deuxième session, et voilà ce que j’en ai
retenu.
Il y avait des voitures modernes garées sur un parking, des fils électriques
rouges, une pancarte où était inscrit « Arkham », plein de joueurs dans un cafeteria, trois journalistes de France 2, des dortoirs « ancien pavillon de chasse » assez
confortables, un réveil très matinal sous la pluie, de l’attente ensommeillée, un pnj avec un masque jaune qui faisait peur, une marche hésitante en file indienne dans la rosée, des cris imitant
une très grande chute, des roulades, un train, des joueurs, un beau château dans lequel on a pas joué, une disparition, du maquillage, des docteurs, d’autres cris, plein de joueurs, un reste de
momie, une cafeteria pleine de joueurs, des boissons chaudes et à manger, des joueurs ensanglantés, une bibliothèque, des personnes avec des oreillettes ou talkie-walkie, des comateux ou des
morts qui revenaient à la vie avec gaieté, encore d’autres joueurs, des « mais il est où alors ? Bin on en sait rien », des « ah » ou « ha… c’est
toi ! », des choses à lire, des ingrédients à trouver, des informations sur un médaillon, des analyses à attendre, des retrouvailles, des « bonjour, monsieur », un repas
chaud à la cafeteria, un cirque, d’autres médaillons, des drogues, un mendiant, des souvenirs où l’on porte des cartons si on voulait pas être fouetté, des fils électriques rouges, des joueuses
bien habillées et bien maquillées, un « on a besoin d’un médecin ! D’urgence !», un joueur avec un masque de rongeur, des tombes, des saignées salvatrices, du thé chaud, des
« je suis pas là », un après-midi presque ensoleillé, un beau lac, des portes ouvertes à refermer avec des médaillons ou avec des joueurs à qui on avait gravé au couteau un symbole, des
ventes d’objets, des policiers en patrouille, des détectives (de l’occulte), du théâtre, des joueurs qu’on découvre, des médaillons, un ours en fuite, des gamins qui parlent mal à leur parent,
des confréries d’étudiants, des cris, des peluches et des poupées, des sectes, des « je sais pas » en pagaille, moins de maquillage, des amnésiques, un goûter
d’anniversaire, des presque bagarres entre gentlemen, un fouet, un « on a besoin d’un médecin d’urgence ! », des femmes enceintes ou qui s’évanouissent, un club de couture, des
vols, des tentatives de vol, des militaires, des amis qu’on retrouve, des « t’as l’air fatigué », des recherches d’armes, un spectacle de cirque, des médaillons, des portes qui
s’ouvrent, un couteau de sacrifice, la nuit qui tombe, un repas chaud, un « topo briefing », une patrouille romantique mais inquiétante chapeauté par un flic désœuvré, des cris, un
« un médecin vite ! », des pièces secrètes découvertes, des étreintes, des fouilles, un chat perdu toujours pas retrouvé, des rituels à faire, des officiants à
découvrir/trouver/tuer/investir/seconder/vénérer/aider, des médaillons, des dollars, des bruits sourds, des lampes qui éclairent à peine, encore des bruits sourds, des plans qui ratent ou
qui réussissent, du tarot, un « fuis, une armée de vieux soldats te recherche et veut te tuer ! », des cérémonies, une planque au chaud, un grand miroir, des joueurs avec des épées
ou des mitraillettes, des médaillons, un « attend je reviens de suite » suivi de plusieurs minutes d’attente, puis un « c’est fini depuis longtemps »…Et j’en
oublie.
Est-ce que c’était bien… ma foi faudrait demander à ceux qui ont gagné… ?