Fiches de personnages – ( Article n°= 2 ) Accéder à l’article n°= 1
Influence du background lors d’un GN – L’article suivant est issu d’une conférence des GNiales 2010.
Utilité du Background. Influence latente et directe
Lors d’un GN, le joueur va vivre des moments clefs de la vie de son personnage. Il va devoir s’inspirer de ce qu’il sait du perso pour agir. Utiliser sa fiche de personnage que l’on aura lue auparavant, c’est puiser dans une liste d’infos pour savoir comment réagir.
Parmi les informations qu’il a enregistrées à la lecture de sa fiche, un certain nombre va avoir une influence sur la préparation du joueur, sur sa façon de concevoir son personnage, etc. Ce sont les informations préliminaires à influence directe. Elles permettent d’anticiper le récit. Une notion importante dont nous reparlerons.
D’autres informations, bien qu’enregistrées par le joueur à la lecture de la fiche vont avoir une influence latente. Ce sont des informations dont le joueur ne va percevoir la portée que plus tard durant le jeu mais qu’il va cependant enregistrer en amont.
Schémas explicatifs de l’influence des informations du Background durant un jeu
T0 : C’est l’instant où le joueur commence son GN. Il a généralement en tête ce que son personnage va faire durant les prochaines minutes. Ces « objectifs » de son personnage sont construits sur la base des informations préliminaires ayant eu une influence directe. Il se dirige sans le savoir vers T1 : sa première interaction avec l’univers du jeu.
À T1 : Lors de sa première interaction, il va échanger avec l’univers du jeu. Il va donc recevoir des informations via le jeu (pj, pnj, univers etc…). Ces nouvelles informations vont lui permettre une relecture (mentale) des éléments de départ et il va aller vers T2 avec un objectif nouveau ou modifié.
Pour l’organisateur qui vise à une maîtrise de l’intensité dramatique, il est donc important de penser à l’avance à la façon dont les interactions vont conduire le pj à revoir ses objectifs. En GN, le schéma de l’influence des infos et du récit est plus complexe que sur le dessin ci-dessus, bien évidemment.
La tendance à s’éloigner de cet exemple idéal va être proportionnelle au nombre d’heures de jeu, multiplié par le nombre de joueurs, lui-même multiplié par la météo, etc.
L’auteur est, dans le meilleur des cas, un spectateur lointain de l’histoire du personnage. Il est donc difficile pour lui de rectifier ce schéma en cours de jeu car il est difficile pour lui de lire ce schéma. Le joueur est celui qui a la meilleure lecture et le meilleur ressenti de cette intensité dramatique. Je ne dis pas qu’il sait tout mieux que l’organisateur puisqu’il ignore bon nombre d’éléments de l’univers de jeu. Je dis qu’il est le seul à avoir un véritable ressenti de l’intensité dramatique.
Face à une situation, voyons quel exercice va devoir faire le joueur :
1. Le joueur analyse la situation et reçoit donc des informations.
2. Le joueur compare les informations à celles qu’il possède déjà.
3. Le joueur établit la façon dont son personnage va réagir.
4. Le joueur décide de l’action de son personnage.
L’exercice est souvent instantané.
Il y a là une différence fondamentale avec les récits traditionnels où le héros est face à une situation nouvelle et inattendue. En GN on donne bien souvent les moyens de réagir face à certaines situations, voire des indications précises du comportement à avoir.
Pourquoi ? Tout simplement parce là où dans un récit littéraire, le héros doit surprendre le lecteur par son ingéniosité, le joueur de GN doit pouvoir réagir avec les moyens qu’on lui a donnés auparavant. Il arrivera qu’il se surprenne, sans doute, mais un joueur qui ne trouve pas de solution face à une situation risque de ne plus pouvoir interpréter son personnage. (Il tombe à court d’idée et l’improvisation devient délicate)
Si la situation est sans issue (et je ne parle pas de victoire ou d’échec, vous l’aurez compris, mais bien d’un cul de sac dans le récit), l’ensemble des joueurs est privé de solution pour relancer le jeu. Le joueur doit donc pouvoir posséder des clefs pour trouver une réaction appropriée pour son personnage.
L’ennui c’est que tout lui donner dès le départ risque de lui permettre d’anticiper le récit complètement et donc de briser l’incertitude sans laquelle il n’y a pas de jeu. Cette anticipation trop évidente est liée à un abus d’informations préliminaires à influence directe.
Conclusion
La question qui vient immédiatement concerne les moyens dont dispose l’auteur pour agir sur le jeu au cours de son déroulement. Mais cette série d’articles est tirée d’une conférence dont le pitch était :
« Est-il possible de maîtriser l’intensité dramatique d’une histoire à 50 protagonistes avec de simples fiches de personnages ? »
Question à laquelle je vais donc pouvoir m’attaquer dès le prochain article, maintenant que nous avons convenu de quelques termes que nous utiliserons (backstory, influence latente, T0). La question des moyens disponibles pour l’organisateur au cours du déroulement du jeu sera également traitée dans une autre série d’articles.
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25 mars 2011 at 2 h 43 min
“L’ennui c’est que tout lui donner dès le départ risque de lui permettre d’anticiper le récit complètement et donc de briser l’incertitude sans laquelle il n’y a pas de jeu.”
Ah bon ? Il y a donc un “principe de découverte” sans lequel le jeu n’est plus tout à fait le même ? 🙂 🙂 🙂
25 mars 2011 at 3 h 04 min
Article très intéressant !
@Frédou : Je pense que personne ne nie que si le joueur maîtrise tous les tenants et aboutissants du jeu, il s’ennuie.
Cependant, il me semble que ce n’est pas exactement la même chose que ce que tu entends habituellement par “principe de découverte”, à savoir le fait que le personnage et le joueur découvrent un
univers préparé par l’organisateur, et en ignorent au départ certains secrets. A moins que je ne me trompe ?
25 mars 2011 at 3 h 51 min
Intéressant article, je suis impatient de lire la suite. Je ne fais hélas pas partie des heureux élus qui ont pu assister au GNiales en 2010…
Je me permets toutefois de soulever un point qui me fait réagir :
– “L’ennui c’est que tout lui donner dès le départ risque de lui permettre d’anticiper le récit complètement et donc de briser l’incertitude sans laquelle il n’y a pas de jeu.”
Il semble assez clair que tu fais référence à la définition du jeu donnée par Roger Caillois. Toutefois ce dernier introduit l’incertitude quant à l’issue du jeu, pas au niveau de son contenu.
Ainsi, un jeu de société ou un jeu de hasard peuvent avoir une mécanique complètement connue par le joueur, ils n’en seront pas moins des jeux parce que l’issue est inconnue.
25 mars 2011 at 4 h 08 min
@Hoog : Je ne suis pas tout à fait d’accord. Maîtriser les tenants et aboutissants ne génère pas forcément l’ennui. Il suffit de chercher ailleurs que dans la découverte les ressorts du
plaisir.
Exemple :
– Soit le joueur à une connaissance totale du contenu et de l’issue, auquel cas ce n’est plus un jeu et donc ce n’est plus du GN, mais c’est peut-être du théâtre.
– Soit le joueur ne maîtrise pas l’issue et dans ce cas c’est toujours un jeu. Le Jeepform démontre qu’il est possible de trouver du plaisir dans cette formule.
25 mars 2011 at 4 h 08 min
@ pascal : oui effectivement. Je rapproche l’issu du jeu de société dont parle Roger Caillois de l’issu d’un objectif en GN. Pas dans un sens de victoire ou défaite. Je me place ici dans la
position d’un auteur de fiche de personnage qui cherche à préserver une incertitude au moins de moyen. Le joueur ne connait pas son texte et ses actions à l’avance (et éventuellement qu’il ne
connaisse pas l’issu du jeu).
25 mars 2011 at 4 h 50 min
j’attends aussi la suite avec impatience. Très intéressant.
Sur le fait de tout donner au départ, ce “tout” est souvent comprit comme ce que connait le perso dans son domaine (personnel, social, professionnel) et forme un ensemble fini au moment T0.
L’interaction avec les connaissances des autres perso est déjà un premier élément de découverte et d’incertitude (si le perso a des connaissances erronées ou partielles, par exemple)
25 mars 2011 at 8 h 40 min
@Pascal : On est d’accord en fait, il me semble :).
26 mars 2011 at 0 h 47 min
Le premier article m’avait beaucoup intéressé. Celui-ci confirme tout le bien que j’en pense. Attention à ne pas décevoir sur le troisième 😉