JUST A LITTLE LOVIN’
OU LA CONCEPTION AU SERVICE D’UN THÈME
Just a Little Lovin’ est un jeu conçu par deux norvégiens, Hanne Grasmo et Tor Kjetil Edland. Il a été joué trois fois depuis 2011, la troisième session a eu lieu en août 2013 au Danemark. Le jeu se déroule en trois actes et sur trois jours, un an étant censé s’écouler entre chaque acte.
Ce GN est décrit sur son site internet (http://just-a-little-lovin.blogspot.fr/) comme un jeu sur l’amitié, le désir et la peur de la mort. Le jeu se déroule aux États-Unis au début des années 80, parmi la communauté gay/lesbienne/trans/drag à New York, alors que les membres vont découvrir brutalement l’arrivée du SIDA.
Plusieurs français ont participé à ce jeu et nous allons publier différents comptes rendus qui examineront les différents aspects du jeu, selon la sensibilité des participants.
INTRODUCTION
Il y a peu, j’ai participé au Danemark au GN « Just a little lovin’ », qui se déroule dans la communauté gay new-yorkaise du début des années 80, lors de l’arrivée du SIDA. Ce jeu, émotionnellement intense, traite explicitement des thèmes du désir, de la peur de la mort et de l’amitié, chaque thème prenant l’ascendant le temps d’un acte. Dans ce compte rendu, je vais tenter de montrer comment les auteurs du jeu ont conçu le jeu afin de renforcer autant que possible cette approche thématique.
ROSE
Le thème de la première journée était le désir. Ce thème était traité de plusieurs manières.
Tout d’abord, il était incorporé à un grand nombre de personnages du jeu. Certains étaient très actifs sexuellement. D’autres étaient polygames, bisexuels ou tout simplement infidèles à leur partenaire. Certaines relations entre personnages étaient aussi explicitement fondées sur le désir et le sexe.
Ensuite, le cadre du jeu favorisait ce thème. Il s’agissait de soirées débridées, organisées par un éminent membre de la scène festive gay new-yorkaise. Il fournissait à ses invités diverses drogues, ainsi qu’une « dark room » à mi-chemin entre « back room » et cave SM. La musique choisie pour la piste de danse et les spectacles ne faisaient que renforcer le tout (« Hot stuff ! »).
Le jeu disposait également d’une technique de simulation de relations sexuelles. Fondée sur des plumes, des godes et des monologues, elle plaçait le sexe au cœur du jeu. Un atelier était consacré à la découverte de cette technique, afin de rassurer les participants les plus intimidés.
NOIR
Le second thème était la peur de la mort.
Plusieurs ateliers ont préparé les participants à ressentir cette angoisse. Un exemple est l’atelier où les joueurs font semblant de discuter lors d’un vernissage, mais en ne communiquant uniquement que de manière stressée (en refusant de se serrer la main, en riant nerveusement, etc.).
Un autre aspect du thème est tout simplement qu’un ou plusieurs personnages, sélectionnés de manière plus ou moins aléatoire, meurent du SIDA à la fin de chacun des trois actes. La première « moisson » intervient entre le premier et le second acte, à point nommé pour rendre les personnages craintifs lors du second. C’est d’ailleurs la seule partie du jeu entourée de secret, ce qui contribue évidemment à la peur. À noter que les joueurs dont le personnage meurt sont aidés par les organisateurs à créer des personnages de remplacement.
Ensuite, les organisateurs font un petit topo historique sur la situation avant chaque acte. C’est l’occasion pour eux d’insister sur la peur vis-à-vis de cette nouvelle maladie mystérieuse et mortelle, chez les gays en particulier et chez la population en général.
Certains personnages sont visiblement malades durant le second acte. Ils sont l’incarnation d’une mort prochaine, d’autant plus inquiétante que quasiment personne ne pouvait se sentir à l’abri après les excès du premier acte. Quelques événementiels mineurs étaient également prévus par les organisateurs.
Enfin, comme pour le premier acte, les paroles des chansons sélectionnées pour la piste de danse et les spectacles étaient en parfaite adéquation avec la peur de la mort (« Tainted love »…).
BLEU
Le troisième acte était placé sous le signe de l’amitié.
Ce sentiment est apparu relativement spontanément au sein d’une communauté où, après deux « moissons », tous avaient perdus des êtres plus ou moins chers. Les disparus avaient partagés les moments d’extase et d’horreur des survivants, qui se serraient naturellement les coudes. Le fait que ce groupe se retrouve un/deux an(s) après les faits rendait la fête propice aux commémorations.
De plus, les personnages malades étaient nombreux à ce stade. Confrontés à une mort prochaine, ils avaient naturellement tendance à rechercher des soutiens psychologiques et à pardonner à leurs ennemis, afin de partir en paix.
Plus ou moins guidés par les topos historiques des organisateurs, plusieurs personnages se sont également lancés dans le militantisme anti-discrimination ou le soin des malades. Ce type de comportement altruiste a encore plus renforcé les liens dans la communauté.
Pour finir, la musique a naturellement joué une nouvelle fois son rôle, encourageant les personnages à se considérer comme des frères et des survivants (« I will survive »).
CONCLUSION
Les auteurs de ce GN ont su, grâce à une conception épurée et une communication claire, créer un jeu concentré sur leurs thèmes choisis. À mes yeux, cet exemple mérite d’être suivi, avec comme finalité de créer des GN plus intenses et élégants.
Hoog
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Je pinaille un peu : il y a une communauté polyfidèles, des relations libres ou mal définies, mais pas de polygames.
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Un téléfilm HBO est sorti sur le même sujet : the Normal Heart
https://www.youtube.com/watch?v=UGTIs11HEXg